Le premier ministre Justin Trudeau a présenté mercredi les excuses officielles du gouvernement canadien, qui avait fermé ses portes il y a 79 ans à des réfugiés juifs pendant l'Holocauste.

« En 1939, le Canada a refusé 907 réfugiés juifs perçus comme indignes d'avoir un foyer ou notre aide, a-t-il dit aux Communes dans une déclaration solennelle. Je présente en direct les excuses officielles du gouvernement du Canada aux passagers du MS Saint-Louis et à leur famille pour cette injustice. »

Le MS Saint-Louis avait quitté l'Allemagne avec plus de 900 juifs qui fuyaient le régime nazi, dans l'espoir de trouver refuge à Cuba, d'abord, puis aux États-Unis, mais ces deux pays ont refusé d'accueillir le navire dans leurs ports. Alors que le paquebot s'approchait de Halifax, des Canadiens ont tenté de convaincre le gouvernement libéral de Mackenzie King d'accepter leur demande d'asile ; les responsables fédéraux ont refusé.

Quatre pays d'Europe - le Royaume-Uni, la Belgique, la France et les Pays-Bas - ont finalement accepté de les accueillir, et la plupart des passagers se sont dispersés sur le continent. Mais l'année suivante, lorsque les nazis ont envahi la Belgique, la France et les Pays-Bas, 254 des passagers du MS Saint-Louis ont été tués.

Près de 80 ans plus tard, le premier ministre Trudeau a offert « des excuses attendues depuis trop longtemps aux réfugiés juifs que le Canada a refusés ».

« Alors que nous nous battions pour la démocratie à l'étranger, nous étions en train d'abandonner les victimes d'Hitler chez nous, a-t-il dit. Ce que nous étions prêts à faire là-bas, nous n'étions pas prêts à le faire chez nous.

"J'espère sincèrement qu'en présentant ces excuses, nous pourrons mettre en lumière ce douloureux chapitre de notre histoire et nous assurer de ne jamais oublier ses leçons, a souhaité le premier ministre. L'antisémitisme, la xénophobie et la haine n'ont pas leur place dans notre pays ni ailleurs dans le monde.

"Nous devrions avoir honte de l'histoire du Saint-Louis et du mauvais traitement qu'ont subi les juifs avant, pendant et après la Seconde Guerre mondiale, a soutenu M. Trudeau. Lorsque le Canada a choisi de tourner le dos aux réfugiés il y a plus de 70 ans, le gouvernement n'a pas seulement omis d'aider les plus vulnérables : il nous a tous nui.

"Il y a plus de 70 ans, le Canada vous a tourné le dos. Mais aujourd'hui, les Canadiens font le serment que maintenant et pour toujours : "Plus jamais" », a conclu le premier ministre en s'adressant à la communauté juive.

Il y aura 80 ans en fin de semaine, les nazis amorçaient un peu partout en Allemagne la tristement célèbre « nuit de cristal », un vaste « pogrom » contre les juifs qui est considéré comme précurseur de la Shoah. Selon M. Trudeau, de tous les pays alliés, c'est le Canada qui a accueilli le moins de juifs entre 1933 et 1945. Et parmi ceux qui ont été admis au Canada, quelque 7000 ont été détenus comme prisonniers de guerre, aux côtés d'Allemands capturés sur les champs de bataille, a déclaré le premier ministre.

Des survivants

Judith Steel se souvient qu'elle tenait la main de son père lorsqu'elle a senti quelqu'un d'autre lui prendre la main ; ce geste l'a sauvée du train qui conduira le lendemain ses parents dans le camp de concentration nazi d'Auschwitz, où ils sont morts. C'est précisément ce cruel destin que ses parents espéraient éviter lorsqu'ils avaient embarqué sur le Saint-Louis en 1939. Présente à Ottawa mercredi, Judith Steel a estimé que ces excuses « enlèveront de ses épaules une partie de cette lourdeur ».

Cela fait des mois que les excuses du gouvernement canadien sont soigneusement planifiées, mais la mort par balle de onze fidèles dans une synagogue de Pittsburgh, il y a près de deux semaines, donne une signification toute particulière au geste. « Le drame du Saint-Louis était alimenté par l'intolérance et la haine, qui dressent à nouveau leur tête hideuse », a estimé une autre survivante, Eva Wiener, aujourd'hui âgée de 80 ans.

Le premier ministre a d'ailleurs évoqué l'attentat de Pittsburgh dans ses excuses mercredi : « Les récents attentats visant la communauté juive témoignent du travail qu'il nous reste à faire. Nous devons toujours nous dresser contre les attitudes xénophobes et antisémites et contre la haine sous toutes ses formes. »

Les chiffres les plus récents de Statistique Canada révèlent qu'en 2016, c'est la communauté juive qui était la cible la plus fréquente des crimes haineux visant une religion.

Steve McDonald, directeur des politiques au Centre consultatif des relations juives et israéliennes, espérait la semaine dernière que ces excuses ouvriraient un débat sur « ce que nous pouvons tous faire pour lutter contre l'antisémitisme - indépendamment de notre passé -, et en particulier sur ce que le gouvernement et les élus peuvent faire ».

« L'antisémitisme vise directement les juifs, mais il ne concerne pas que les juifs et ce n'est pas un problème juif. »

L'histoire du Saint-Louis a suscité un regain d'intérêt l'année dernière lorsque des photos et des récits de victimes ont été diffusés sur les médias sociaux après la décision du président des États-Unis, Donald Trump, de fermer les portes à des immigrants et des réfugiés de certains pays.