Le gouvernement fédéral veut officialiser la façon dont il mesure la pauvreté depuis le mois d'août, un choix qui aurait pour effet de réduire le nombre de personnes considérées comme ayant des revenus insuffisants pour subvenir à leurs besoins.

« C'est comme si on disait qu'on veut améliorer le taux de diplomation des étudiants et étudiantes [...] en diminuant la note de passage », a illustré le porte-parole du Collectif pour un Québec sans pauvreté, Serge Petitclerc.

Le ministre de la Famille, des Enfants et du Développement social, Jean-Yves Duclos, a déposé un projet de loi à la Chambre des communes, mardi, qui reprend essentiellement la Stratégie canadienne de réduction de la pauvreté annoncée en août.

Le gouvernement utilise maintenant le panier de consommation pour mesurer « le seuil officiel de la pauvreté » au lieu du seuil de faible revenu, comme l'a recommandé un comité conseiller formé par le ministre.

« C'est la mesure qui parle le plus aux Canadiens, a-t-il affirmé. On parle d'un niveau de vie modeste - qu'est-ce que ça représente de vivre dignement au Canada en 2018 ? -, et ça représente aussi ce qu'il faut pour vivre décemment dans une communauté. »

En vertu de cette mesure du panier de consommation élaborée par Statistique Canada dans les années 90, une famille ou une personne est considérée comme vivant dans la pauvreté si elle ne peut se permettre un panier de biens et de services de base. La mesure est adaptée à 50 diverses communautés pour tenir compte des différences de coût de la vie entre les villes et les régions.

Or, réussir à combler ses besoins de base ne signifie pas sortir de la précarité financière, fait valoir le Collectif pour un Québec sans pauvreté.

« C'est le minimum pour vivre en santé, pour faire en sorte de ne pas réduire son espérance de vie, pour vivre minimalement dans la dignité », a constaté M. Petitclerc.

« Quand on parle de sortir de la pauvreté, ça veut dire de se retrouver dans une situation où l'on est moins précaire, où l'on recommence à pouvoir faire des choix, où l'on recommence à pouvoir avoir un minimum d'épargne », a-t-il ajouté.

Il incite le gouvernement fédéral à se doter d'une véritable définition de la pauvreté, à l'instar du gouvernement du Québec, qui la décrit comme étant une « condition dans laquelle se trouve un être humain privé des ressources, des moyens, des choix et du pouvoir nécessaires pour acquérir et maintenir son autonomie économique ou pour favoriser son intégration et sa participation à la société. »

Le projet de loi du ministre Duclos définirait également des cibles pour réduire la pauvreté de 20 % d'ici 2020 et de 50 % d'ici 2030 par rapport au taux de 2015. Un comité consultatif indépendant serait créé pour rendre compte des progrès réalisés chaque année.

La députée néo-démocrate Brigitte Sansoucy, qui avait déposé un projet de loi similaire rejeté par les libéraux, estime qu'ils n'ont pas réussi à faire mieux.

« Il n'y a pas d'investissements, il n'y pas de nouveau programme, il n'y a personne de moins pauvre », a-t-elle dénoncé.

Questionné en conférence de presse sur les chances que son projet de loi soit adopté par la Chambre des communes et le Sénat avant la prochaine campagne électorale, M. Duclos a répondu qu'il avait encore un an de travail à faire.

« On n'arrêtera pas de faire des progrès parce qu'on nous dit qu'on se dirige tranquillement vers octobre 2019 », a-t-il dit.

Il estime que 650 000 Canadiens seront sortis de la pauvreté en 2019 grâce aux allocations et suppléments offerts aux familles, aux travailleurs et aux aînés.