Le transfert de pouvoir au Nouveau-Brunswick s'est amorcé, vendredi après-midi, à la suite du renversement du gouvernement libéral de Brian Gallant lors d'un vote de confiance en Chambre.

La lieutenante-gouverneure, Jocelyne Roy Vienneau, a officiellement demandé, vendredi après-midi, au chef du Parti progressiste-conservateur, Blaine Higgs, de former un gouvernement. Le premier ministre désigné a aussitôt adopté un ton optimiste en s'adressant aux journalistes. « Je suppose que la prochaine étape commence maintenant », a déclaré M. Higgs.

« Je crois que notre province peut occuper la première place dans toutes les sphères. Et je crois que cette opportunité se présente à nous aujourd'hui. » M. Higgs espère que ses ministres pourront prêter serment d'ici la fin de la semaine prochaine, et que son gouvernement pourra présenter un discours du Trône avant la fin du mois.

Le gouvernement libéral minoritaire avait été renversé plus tôt vendredi après avoir perdu le vote de confiance en Chambre sur son discours du Trône. Le premier ministre Gallant, qui s'accrochait au pouvoir depuis cinq semaines, a aussitôt déclaré qu'il irait voir la lieutenante-gouverneure pour lui remettre sa démission - ce qu'il a fait en après-midi. M. Gallant a souhaité bonne chance aux conservateurs, en estimant que « leur succès sera celui du Nouveau-Brunswick ».

M. Higgs a indiqué qu'il souhaitait une transition rapide. « Le discours du Trône ne sera pas une liste d'épicerie : ce sera une liste de priorités, axée sur certains enjeux importants sur lesquels nous pouvons nous mettre d'accord », a-t-il déclaré après le vote en Chambre, vendredi matin. « Nous allons fixer des objectifs ambitieux, et nous allons les atteindre. Nous n'avons pas besoin de plus d'impôts : nous avons besoin de résultats concrets. »

Cet ancien dirigeant chez Irving - pendant 33 ans - croit que son gouvernement minoritaire pourra survivre quatre ans en produisant des résultats. Mais son succès dépendra du soutien de députés de l'opposition.

Le chef de l'Alliance des gens du Nouveau-Brunswick, Kris Austin, a déclaré que son parti avait accepté d'accorder sa confiance aux conservateurs pendant au moins 18 mois, afin d'assurer une certaine stabilité à la législature. « Nous ne sommes liés à personne, mais dans un gouvernement minoritaire, vous devez collaborer, et nous avons convenu de le faire avec M. Higgs », a-t-il déclaré. M. Austin a toutefois précisé que les députés de l'Alliance seront libres de voter selon leur conscience sur les projets de loi du gouvernement conservateur.

Les ambulanciers bilingues

M. Higgs a indiqué que sa priorité serait de remédier à la pénurie d'ambulanciers paramédicaux, mais il a soutenu que les francophones ne devraient pas s'inquiéter de l'accession au pouvoir des conservateurs. « Ils devraient être reconnaissants que nous voulions fournir les soins de santé dont ils ont besoin dans toute la province, à titre de mesure provisoire pour répondre à nos exigences linguistiques. »

Le chef de l'Alliance avait lui aussi indiqué que sa priorité serait d'amener le nouveau gouvernement à remédier à la pénurie d'ambulanciers dans la province, un enjeu important dans la campagne électorale. M. Austin a souvent laissé entendre que cette pénurie était attribuable à l'exigence de bilinguisme à l'embauche, et l'Alliance avait mis le bilinguisme et la dualité des services au centre de sa campagne. M. Gallant a estimé vendredi que les partis ne devraient pas utiliser cet enjeu comme une « arme politique ».

M. Gallant, qui avait formé de justesse un gouvernement majoritaire il y a quatre ans, a d'ailleurs admis, vendredi, qu'il aurait souhaité faire davantage pour promouvoir l'unité et le bilinguisme dans sa province. « Je ne prétendrai pas que nous avons été un gouvernement parfait, mais un bon gouvernement », a-t-il estimé vendredi.

Interrogé sur son avenir politique, le chef libéral, âgé de 36 ans, a indiqué que son épouse et lui réfléchissaient à la suite des choses, après des semaines de nuits très courtes - une campagne électorale d'un mois et cinq semaines de « maraudage ».

Aux élections de septembre, les libéraux n'ont fait élire que 21 députés, un de moins que les conservateurs ; le Parti vert et l'Alliance des gens du Nouveau-Brunswick ont récolté trois sièges chacun, et ils détiennent donc la balance du pouvoir à l'Assemblée législative. M. Gallant a tenté de former un gouvernement minoritaire en ajoutant plusieurs des promesses de campagne des autres partis à son discours du Trône, mais les conservateurs et l'Alliance ont voté contre, vendredi matin.

Le chef du Parti vert, David Coon, et ses deux députés ont voté comme prévu en faveur du discours du Trône des libéraux, qui reprenait bon nombre des promesses de campagne des écologistes.

Avant le vote, vendredi, M. Gallant avait fait un dernier plaidoyer lors de la clôture du débat. Il a soutenu que les Néo-Brunswickois avaient voté pour une nouvelle façon de gouverner, et il a assumé l'entière responsabilité des résultats du scrutin. Le premier ministre a par ailleurs admis qu'il était lui-même parfois tombé dans de vieilles habitudes partisanes.

Il a aussi admis que les résultats du scrutin pouvaient suggérer une fracture dans l'électorat qui suivrait des lignes régionales et linguistiques - les libéraux dominant le nord, majoritairement francophone, alors que les conservateurs et l'Alliance remportant le sud, majoritairement anglophone. Le chef libéral croit toutefois que les citoyens ne devraient pas se laisser emporter par ces divisions apparentes. « Ce qui nous unit est plus vaste que ce qui nous sépare [...] Nous sommes tous des Néo-Brunswickois », a-t-il dit.