Le chef néo-démocrate Jagmeet Singh vient d'embaucher un nouveau chef de cabinet dont la gestion de plusieurs cas de harcèlement sexuel est critiquée.

Michael Balagus, un stratège bien connu dans les cercles néo-démocrates, est entré au service de M. Singh jeudi de façon intérimaire, sept mois après l'expulsion du député Erin Weir parce que le chef néo-démocrate voulait créer un environnement de travail sécuritaire pour les femmes.

Une nomination décevante pour Joëlle Saltel-Allard, une ex-attachée de presse, dont la plainte pour harcèlement sexuel contre un ministre pour lequel elle travaillait au Manitoba n'aurait pas été prise au sérieux par M. Balagus. Celui-ci a depuis présenté ses excuses.

« Si M. Singh veut créer un environnement sécuritaire, ce n'est pas en embauchant Michael Balagus, a-t-elle affirmé en entrevue. Je ne sais pas c'est quoi la motivation. Ce sont deux gestes qui se contredisent.

«Pour moi, encore, c'est une démonstration qu'on met la politique, le désir de vouloir gagner au-delà de la sécurité des femmes », a-t-elle ajouté.

Au moment des faits entre 2009 et 2011, M. Balagus travaillait comme chef de cabinet du premier ministre manitobain Greg Selinger. Il aurait alors fait savoir à Mme Saltel-Allard par l'entremise de son superviseur immédiat qu'elle devait se taire et « en revenir » parce qu'une élection pointait à l'horizon. Plusieurs autres employées avaient rapporté que leurs plaintes avaient été ignorées.

« Je comprends que ce n'est pas lui qui a causé le harcèlement sexuel, mais selon moi il était la principale raison pour laquelle il n'y a jamais eu de conséquences pour ce comportement », a-t-elle dit.

Mme Saltel-Allard travaillait alors pour le ministre Stan Struthers, surnommé le « ministre Chatouille » dans son milieu de travail. Il aurait, entre autres, mis sa main sur son genou lors d'un déplacement en voiture et discuté des gestes sexuels qu'il aurait appréciés.

Le superviseur de Mme Saltel-Allard, Jay Branch, a confirmé cette version des faits à la CBC en février. La Presse canadienne n'a toutefois pas réussi à le joindre depuis.

La directrice des communications du Nouveau Parti démocratique (NPD), Mélanie Richer, soutient que M. Branch n'aurait jamais discuté des plaintes pour harcèlement sexuel avec M. Balagus. Celui-ci a quand même pris une partie du blâme parce qu'il n'avait pas élaboré de procédures pour traiter ce genre de plaintes.

L'histoire a fait la manchette dans la presse anglophone en février dernier. M. Balagus, qui travaillait alors pour la chef du NPD de l'Ontario, Andrea Horwath, avait été suspendu trois semaines avant de réintégrer ses fonctions. Il s'était alors engagé à traiter toute plainte de harcèlement sexuel avec sérieux.

Dans un communiqué, Jagmeet Singh s'est dit enthousiasmé par l'arrivée de Michael Balagus pour diriger son équipe. Il le décrit comme « l'architecte de la percée historique du NPD de l'Ontario aux élections provinciales en 2018 ».

Dans une déclaration écrite, le chef parlementaire du NPD, Guy Caron, a souligné que M. Balagus « reconnaît le fait que le système en place à l'époque au Manitoba a laissé tomber ces femmes, et il en assume la responsabilité ».

« Il a montré très clairement qu'il prenait ces enjeux très au sérieux, et il a mis des initiatives de l'avant en Ontario, comme les formations sur la lutte contre le harcèlement pour l'ensemble des élu (e) s et du personnel. C'est le genre de leadership que nous accueillons ici. »

Des députés surpris

Les députés Pierre Nantel et Brigitte Sansoucy ont paru étonnés lorsqu'ils ont été mis au courant de cette histoire.

« Vous me l'apprenez, s'est exclamé M. Nantel. Je suis un peu sans mots. Je ne sais pas quoi vous dire. »

« C'est la première fois que j'entendais parler de lui hier », a indiqué pour sa part Mme Sansoucy.

« Je pense qu'il faut apprendre de nos erreurs dans la vie et moi ce qui me rassure, c'est de savoir qu'au NPD Ontario les règles sont claires et que l'espace est sécuritaire pour les femmes. C'est ça qu'on tente d'établir ici et j'espère qu'on ne lâchera pas. »

Les députés Alexandre Boulerice et Peter Julian ont défendu la décision de leur chef.

« L'embauche d'un nouveau chef de cabinet pour Jagmeet Singh est une excellente nouvelle, a affirmé M. Boulerice. M. Balagus a vraiment beaucoup d'expérience. C'était quelque chose qui était demandé par les députés, par l'équipe du NPD. »

Il a ajouté que le stratège avait « toute l'expérience » pour donner de « bons conseils » au chef néo-démocrate et « mettre en place des bons processus ».

« Il a été extrêmement efficace avec le gouvernement au Manitoba et en Ontario où (le NPD) est maintenant l'opposition officielle, a fait valoir M. Julian. C'est une percée qu'on n'avait pas effectuée depuis 20 ans. Ça démontre ses talents. »

« Personne n'est parfait », a-t-il continué tout en soulignant que M. Balagus s'est repris en élaborant un processus pour gérer les cas de harcèlement sexuel en Ontario.

Deux poids, deux mesures ?

Cette nomination démontre plutôt qu'il y a deux poids, deux mesures pour le député Erin Weir, qui a été expulsé du caucus néo-démocrate après une enquête indépendante sur des allégations de harcèlement et de harcèlement sexuel.

« C'est clair qu'il n'y a pas de standard commun, a-t-il dit en entrevue. Je pense que ce sont des décisions arbitraires du chef. Il n'y a pas de règlement qui s'applique équitablement à tout le monde. »

Jagmeet Singh a répété à plusieurs reprises au cours des derniers mois qu'il fallait « toujours croire les survivantes » d'agression ou de harcèlement sexuels.

M. Balagus a été « prêté » par le NPD ontarien pour un maximum de deux mois, le temps que Jagmeet Singh trouve un chef de cabinet permanent. Au cours de sa carrière, il a travaillé pour deux premiers ministres néo-démocrates au Manitoba et pour la chef du NPD fédéral Audrey MacLaughlin au début des années 1990.