La décision de Maxime Bernier de claquer de manière fracassante la porte du Parti conservateur deviendra rapidement « une note de bas de page » dans l'histoire du parti, estime le chef conservateur Andrew Scheer, convaincu que ses troupes sont gonflées à bloc et qu'une victoire aux prochaines élections fédérales prévues en octobre 2019 est tout à fait possible.

Les quelque 3000 militants qui ont participé au dernier congrès national du parti avant la prochaine bataille électorale au cours des trois derniers jours semblent lui donner raison. Le départ du député de Beauce, qui a été élu sans interruption avec d'importantes majorités depuis 2006, a certes causé déception et colère jeudi. À titre d'exemple, le député conservateur de Lévis-Lotbinière, dans la région de Québec, Jacques Gourde, qui a appuyé Maxime Bernier durant la course au leadership remportée de peu par Andrew Scheer, a dit perdre « un frère d'armes ». Mais d'aucuns sont rapidement passés à autre chose, ravis de se faire dire par les apparatchiks et les stratèges conservateurs que les coffres du parti étaient bien garnis, que le recrutement de candidats battait son plein que la préparation électorale était bien en marche.

Dans une entrevue accordée à La Presse, samedi, alors que ses troupes votaient sur une kyrielle de résolutions qui pourraient faire partie du programme conservateur, Andrew Scheer a esquissé un large sourire quand il a été invité à commenter la récente déclaration de Maxime Bernier selon laquelle il a l'intention de devenir le « Macron canadien » en fondant son propre parti de droite et en prenant le pouvoir dès les prochaines élections.

« J'aimerais bien être le Macron canadien, a affirmé M. Bernier dans une entrevue à La Presse canadienne. M. Macron a quitté le Parti socialiste un an avant les présidentielles et a été élu président de la France. »

« Peut-être que cela veut dire que Maxime a de nouvelles positions sur les enjeux, a laissé tomber M. Scheer. Je pense que M. Macron a une perspective très différente de Maxime sur les enjeux économiques, entre autres. Je crois que c'est la preuve que pour Maxime, c'est une question d'image. C'est une question que tout tourne autour de lui, d'un seul individu. »

« Je laisse à Maxime [Bernier] le soin d'expliquer toutes les choses qu'il a en commun avec [Emmanuel] Macron. Et moi, je vais m'occuper de gérer un parti et un caucus dynamique. »

- Andrew Scheer, chef du Parti conservateur du Canada

Pour M. Scheer, il devient de plus en plus évident que l'épisode entourant le départ de Maxime Bernier ne sera qu'un « petit dos d'âne » sur la route de la victoire en 2019. « Absolument, c'est comme cela que je vois cela. Mais je dirais même que ce sera une note de bas de page du chapitre que nous sommes en train d'écrire ensemble. Je crois sincèrement qu'il a pris sa décision il y a longtemps. En rétrospective, je me rappelle quelques épisodes qui démontrent qu'il n'a jamais eu l'intention de travailler en équipe. Nous avons tous essayé de travailler avec lui. Nous l'avons invité à soumettre ses idées, à proposer quelque chose de bien étoffé, et pas seulement un tweet de 280 caractères ou une page tirée de votre site web. [...] Mais il ne l'a jamais fait. »

RETOUR CONSERVATEUR

En entrevue, M. Scheer a soutenu sans ambages qu'un retour du Parti conservateur au pouvoir passait par des gains importants au Québec. Cela explique pourquoi il a prononcé près de 40 % de son discours en français à Halifax devant ses militants, dont environ 200 délégués sont venus du Québec.

« Mes ambitions au Québec aux prochaines élections sont simples : je veux gagner beaucoup de sièges ! Mais je veux aussi rassembler sous le drapeau conservateur tous les gens qui voient le bilan de Justin Trudeau comme un échec et qui se rendent compte que ces échecs vont nuire à leur qualité de vie. »

- Andrew Scheer, chef du Parti conservateur du Canada

« Selon moi, les gens ont deux choix au Québec et c'est clair. Il y a deux partis qui peuvent gagner des sièges et former le prochain gouvernement, ce sont les libéraux et les conservateurs », a dit M. Scheer.

« Je veux m'assurer que lorsqu'on aura un gouvernement conservateur, les Québécois auront une voix importante à la table. Mon ouverture envers le Québec est sincère. Ce n'est pas une question de cocher une case et dire que je prononce quelques mots français. J'espère que les Québécois réalisent que c'est authentique », a-t-il ajouté, soulignant le travail de son lieutenant politique au Québec Alain Rayes.

En après-midi, samedi, les militants conservateurs ont rejeté par une mince majorité (53 % contre, 47 % pour) une résolution qui aurait eu pour effet de relancer le débat sur l'avortement. Mais avant même la tenue de ce vote, M. Scheer avait été catégorique en affirmant que jamais un gouvernement conservateur ne rouvrirait ce dossier ou tout autre enjeu social qui divise les Canadiens.

« J'ai dit clairement depuis le jour où j'ai commencé ma campagne pour la direction du Parti conservateur que je n'allais jamais ouvrir les débats sur des enjeux sociaux comme celui-là. Ça va rester ma position. C'est clair que sous mon leadership, notre parti ne va jamais relancer un débat sur cette question. Simplement parce que c'est un débat qui va diviser notre propre caucus et la population. [...] C'est clair pour moi. C'est simple pour moi. On va continuer sur la même route qu'on a commencée il y a 15 mois. Je veux me concentrer sur les enjeux qui unissent notre caucus, notre parti et la population. »

Parmi les autres résolutions qui ont été adoptées, celle visant à permettre aux contribuables québécois de remplir une déclaration de revenus unique a été entérinée par une écrasante majorité, tout comme la résolution pour la construction de l'oléoduc Énergie Est, abandonnée par TransCanada l'an dernier en raison de la vive opposition de plusieurs municipalités au Québec. Les militants ont aussi appuyé l'idée de déménager l'ambassade du Canada en Israël de Tel-Aviv à Jérusalem, comme l'ont fait les États-Unis.