Faisant fi des appels à l'unité lancés par le leader du Parti conservateur Andrew Scheer et plusieurs autres députés, le député de Beauce Maxime Bernier a continué de sévir sur son compte Twitter, hier, accusant ses collègues de se mettre la tête dans le sable sur la délicate question de l'immigration et raillant les qualités de leadership de son propre chef à quelques heures du début du congrès national de sa formation politique à Halifax.

Avec cet autre coup de gueule par l'entremise des médias sociaux, M. Bernier, qui a été désavoué la semaine dernière par M. Scheer lui-même - son ex-rival de la course à la direction - après la publication d'une série de gazouillis critiquant avec véhémence le « multiculturalisme extrême » et « le culte de la diversité » du gouvernement Trudeau, pourrait être en train de préparer son départ du Parti conservateur.

Des informations ont commencé à circuler hier soir dans les rangs conservateurs selon lesquelles M. Bernier pourrait annoncer qu'il claque la porte du parti aujourd'hui ou demain, après avoir rencontré les députés du caucus conservateur. Il pourrait alors siéger comme député indépendant, comme l'avait d'ailleurs fait son père Gilles Bernier au début des années 90, jusqu'à la tenue des élections fédérales, prévues en octobre 2019. 

Hier, certains évoquaient aussi la possibilité que le bouillant député de Beauce, qui a perdu son poste de critique en matière d'innovation au printemps après avoir affiché sur son site internet le chapitre d'un livre qu'il comptait publier cet automne et qui critiquait à nouveau la gestion de l'offre, son cheval de bataille durant la course à la direction qu'il a perdue de peu en mai 2017 au profit d'Andrew Scheer, songe à fonder son propre parti.

M. Bernier n'a pas donné suite aux messages de La Presse hier. Depuis une dizaine de jours, il a refusé d'accorder la moindre entrevue aux médias, préférant s'exprimer uniquement sur son compte Twitter. Selon nos informations, il compterait accorder des entrevues au sujet de son avenir demain.

Dans une entrevue accordée à La Presse en prévision du congrès national qui doit réunir 3000 militants conservateurs à Halifax jusqu'à samedi, Andrew Scheer a évité de lancer la pierre à Maxime Bernier.

« On va avoir une discussion à Halifax. Le défi que j'ai lancé à toute notre équipe est de travailler ensemble, comme une équipe. C'est la meilleure façon de nous assurer que nous pouvons gagner en 2019. Alors, il revient à Maxime de décider s'il veut travailler en équipe aussi et s'il veut atteindre cet objectif en 2019. »

- Le chef conservateur Andrew Scheer, refusant toutefois de s'épancher davantage sur ce qui pourrait advenir de M. Bernier

M. Scheer a soutenu que ce dernier congrès conservateur avant les élections fédérales devrait permettre de démontrer aux Canadiens que ses troupes représentent « un gouvernement en attente ».

« C'est un congrès très important. Nous sommes à un an des prochaines élections fédérales. C'est la première fois que les militants vont se réunir sous mon leadership pour définir nos positions sur quelques enjeux, travailler sur nos politiques. [...] On va commencer à répondre aux questions à savoir comment un gouvernement conservateur va s'attaquer aux enjeux d'une manière différente », a-t-il dit.

GROGNE CHEZ LES DÉPUTÉS

Dans les rangs conservateurs, on écartait hier la possibilité d'expulser le député de Beauce, élu sans interruption avec de larges appuis au cours des quatre élections fédérales qui ont eu lieu depuis 2006.

« On ne peut pousser Maxime Bernier en dehors du train. Il n'est pas dans le train en ce moment. Il court à côté de la locomotive », résumait-on hier dans les rangs conservateurs.

En matinée, hier, la députée conservatrice Michelle Rempel, qui est la critique de son parti en matière d'immigration, a soutenu que Maxime Bernier avait un choix à faire : jouer en équipe ou quitter le parti. « Est-ce qu'il veut qu'Andrew Scheer gagne ou que Justin Trudeau gagne ? », a-t-elle laissé tomber, en faisant allusion aux élections fédérales qui doivent avoir lieu dans environ 12 mois.

Mme Rempel cachait mal son irritation hier de voir M. Bernier lancer une nouvelle salve sur son compte Twitter environ une heure avant de tenir une conférence de presse en compagnie de son collègue Gérard Deltell au sujet des intentions du Parti conservateur en matière d'immigration.

« Ainsi donc, après m'avoir désavoué la semaine dernière et m'avoir dit de fermer ma gueule, mes collègues viennent de se rendre compte que les Canadiens considèrent ce sujet important et veulent en entendre parler ? Bel exemple de leadership fort ! »

- Maxime Bernier, sur Twitter

Devant les journalistes, Mme Rempel et M. Deltell ne souhaitaient pas jeter de l'huile sur le feu en commentant les propos de leur collègue durant leur conférence de presse.

« Maxime ne m'a jamais parlé de ses préoccupations en immigration », a tout de même affirmé Mme Rempel, qui est porte-parole en la matière depuis trois ans.

« M. Bernier parle pour lui-même, il a tout à fait le droit de le faire et il le fait », a pour sa part déclaré M. Deltell, après avoir confirmé la tenue d'une tournée pancanadienne sur la nouvelle politique des conservateurs en matière d'immigration qui se veut « responsable, positive et accueillante ».

- Avec La Presse canadienne