Le ministre de la Sécurité publique Ralph Goodale a tenté de calmer la grogne diplomatique entre le Canada et les États-Unis, mercredi, en félicitant Donald Trump pour sa rencontre avec Kim Jong-un et en laissant la porte ouverte à une baisse de certains tarifs au Canada.

Dans une entrevue accordée à Fox -- le réseau préféré du président américain --, M. Goodale a martelé une série de «faits» en vue de démontrer les avantages du commerce avec le Canada pour les Américains. 

«Quand on regarde la relation entre le Canada et les États-Unis, cette frontière entre nos deux pays est la plus longue, la plus ouverte et la plus fructueuse frontière non-militarisée dans l'histoire du monde», a-t-il fait valoir.

Le ministre a rappelé que 400 000 personnes et 2,5 milliards de dollars en marchandises franchissent chaque jour la frontière, ce qui se traduit par une balance commerciale «pratiquement équilibrée» entre les deux pays.

Contrôle des dégâts

Cette entrevue à Fox s'inscrit dans une vaste offensive de contrôle des dégâts lancée par le gouvernement Trudeau, à la suite de la débâcle du Sommet du G7 de Charlevoix.

Piqué au vif par un commentaire de Justin Trudeau sur les tarifs imposés aux exportateurs canadiens d'acier et d'aluminium, Donald Trump a renié samedi soir le communiqué final du G7, quelques heures à peine après l'avoir ratifié.

M. Trump a aussi déversé une pluie d'insultes sur le premier ministre canadien, le qualifiant entre autres de «faible» et «malhonnête». 

Justin Trudeau a fait l'objet d'attaques encore plus personnelles le lendemain de la part des deux principaux conseillers économiques de la Maison-Blanche, Peter Navarro et Larry Kudlow.

Dans ce contexte acrimonieux, le ministre Ralph Goodale estime que son gouvernement doit «rester calme, garder le cap, poursuivre les efforts, bâtir la relation et s'assurer que nous défendons les droits et intérêts des Canadiens».

Gestion de l'offre

Talonné par l'animateur de Fox pour savoir si le Canada pourrait assouplir certains tarifs sur les produits agricoles américains -l'une des principales demandes de l'administration Trump--, Ralph Goodale a démontré une ouverture prudente.

«Dans la négociation globale par rapport à l'ALENA, le Canada a été très proactif en déposant des propositions constructives à la table de négociations», a-t-il dit.

Ralph Goodale n'a pas précisément affirmé que son gouvernement pourrait s'attaquer à la gestion de l'offre dans le domaine agricole. 

Mardi, Justin Trudeau a garanti aux producteurs laitiers canadiens qu'il ne comptait pas faire de brèches à ce système dans le cadre de la renégociation de l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA).

Les producteurs agricoles tiennent mordicus à conserver ce système tel quel au Canada, une demande aussi formulée par tous les partis d'opposition à Ottawa. 

Branche d'olivier

Ralph Goodale a insisté pour conclure son entrevue à Fox avec un commentaire positif à l'endroit de Donald Trump.

Il a fait valoir que la rencontre organisée à Singapour mardi avec le leader nord-coréen Kim Jong-un «revêt un important potentiel pour la paix et la sécurité dans le monde» et que «le président Trump devrait bien sûr être félicité pour avoir franchi cette étape».

L'animateur a qualifié cette déclaration de «branche d'olivier» tendue par le Canada aux États-Unis.

Autres ministres

Plusieurs ministres-clés du gouvernement Trudeau se rendront aux États-Unis au cours des prochains jours en vue de marteler le message pro-libre-échange du Canada, et de tenter de refaire les ponts avec une administration ouvertement hostile.

Chrystia Freeland (affaires étrangères) et Bill Morneau (finances) sont à Washington aujourd'hui. Mme Freeland a rencontré les membres de l'influent Comité des affaires étrangères du Sénat, avec qui elle dit avoir eu un échange «cordial» et «très direct». 

«Nous, au Canada, avons le plus grand respect pour la législature américaine, c'est toujours un grand plaisir de pouvoir leur parler directement», a-t-elle fait valoir pendant une mêlée de presse à Capitol Hill.

Mme Freeland a réitéré que le Canada imposera à partir du 1er juillet des mesures de représailles « parfaitement réciproques », totalisant 16,6 milliards de dollars, en réponse aux surtaxes décrétées par le gouvernement américain sur l'aluminium et l'acier. 

Elle a rappelé que l'Union européenne et le Mexique -eux aussi visés par les tarifs- ont entrepris une démarche similaire.

«La réponse est claire: les "États-Unis doivent retirer ces mesures illégales et injustes"», a-t-elle lancé.

La diplomate a répété à quel point la relation entre les deux pays était importante, et à quel point le Canada demeurait «le plus proche allié» des États-Unis malgré la controverse récente.

Chrystia Freeland rencontrera jeudi son homologue Robert Lighthizer, représentant au Commerce des États-Unis, à Washington.

Les ministres François-Philippe Champagne (commerce international) et Amarjeet Sohi (infrastructures), notamment, visiteront quant à eux d'autres régions des États-Unis au cours des prochains jours pour parler d'acier, d'aluminium et de l'industrie automobile.