Le gouvernement Trudeau se défend de pratiquer un fédéralisme centralisateur en refusant d'accepter un amendement du Sénat, et réclamé par Québec, qui permettrait aux provinces de prohiber la culture du cannabis à domicile sur leur territoire.

La ministre fédérale de la Santé, Ginette Petitpas Taylor, a confirmé mercredi que le gouvernement fédéral rejette catégoriquement cet amendement, ouvrant toute grande la voie à une confrontation juridique entre Ottawa et le Québec sur cette question à moins de 16 mois des prochaines élections fédérales.

La ministre a affirmé que la clause permettant la culture pouvant allant jusqu'à quatre plants de cannabis à domicile fait partie intrinsèque de la stratégie fédérale visant à écarter le crime organisé du marché illicite du cannabis, évalué à six milliards de dollars par année.

Avant de se rendre à la réunion hebdomadaire du caucus libéral, le premier ministre Justin Trudeau a aussi abondé dans le même sens et affirmé que le régime interdisant la consommation du cannabis à des fins récréatives est un échec retentissant.

Un autre amendement important adopté par la Chambre haute, et qui a été rejeté par le gouvernement Turdeau, aurait rendu obligatoire la divulgation d'informations sur les propriétaires des compagnies de production de cannabis, leurs dirigeants et leurs investisseurs, afin de s'assurer que le crime organisé n'utilise pas des paradis fiscaux pour blanchir leur argent dans la production d'une drogue sur le point d'être légalisée au Canada. Cet amendement avait été proposé par le sénateur conservateur Claude Carignan.

Le gouvernement Trudeau compte donc renvoyer la balle aux sénateurs, qui avaient proposé en tout 46 amendements dont plusieurs étaient de nature technique. Auparavant, les députés devront adopter la nouvelle mouture du projet de loi C-45 comportant quelques-uns des amendements qui ont été acceptés.

La décision du gouvernement Trudeau est tombée moins de 24 heures après que

l'Assemblée nationale eut adopté son propre projet de loi qui encadre la commercialisation et la consommation de la substance.

Les libéraux fédéraux vivront « une sanction », prédit Charlebois 

En rejetant la recommandation du Sénat de permettre aux provinces de restreindre la culture de plants de cannabis à domicile, « il va y avoir une sanction » contre les députés libéraux fédéraux, prédit Lucie Charlebois.

La ministre responsable de l'encadrement du cannabis au Québec assure que ses collègues fédéraux « vont se faire parler par la population ».

« Quand on commence une loi, vaut mieux être plus restrictif. Ce que le propose le fédéral, ils ne pourront pas restreindre après. Ils seront pris avec ça », a déploré mercredi Mme Charlebois.

« Les députés libéraux fédéraux du Québec, parlez à vos citoyens. Parlez à vos citoyens, parce qu'il va y avoir une sanction à la fin », a ajouté la ministre libérale.

Vers une bataille juridique Québec-Ottawa ? 

Le gouvernement Couillard a adopté mardi sa loi encadrant la commercialisation et la consommation de cannabis dans la province. Or, contrairement à la loi fédérale, qui permet aux Canadiens d'avoir jusqu'à quatre plants de cannabis à domicile, le Québec prohibe cette pratique.

À la sortie d'une réunion du caucus libéral, à Québec, la ministre Charlebois s'est maintenant dite prête à faire « une bataille juridique » contre Ottawa pour défendre la constitutionnalité de sa loi.

« Les grands perdants dans ça, ce sont les citoyens du Québec qui devront avoir des avocats pour plaider sur la constitutionnalité [de la loi]. (...) On est sûr qu'on a raison », a-t-elle défendu.

« Je m'attends à ce qu'on respecte nos champs de compétence. On respecte le leur, on s'attend à ce qu'il respecte le nôtre », a ajouté la ministre.