Alors que Québec se prépare à accueillir des manifestants en lien avec la tenue du G7 à La Malbaie, Oxfam Québec a lancé le bal, jeudi, en organisant un « stunt médiatique » devant l'Assemblée nationale sur le thème du travail des femmes.

Sous la pluie et devant un cortège de journalistes, la directrice générale de l'organisme, Denise Byrnes, a présenté une scène animée par des mascottes qui représentaient les dirigeants des pays du G7 effectuant des travaux domestiques. 

«C'est un message pour parler du travail non rémunéré des femmes partout dans le monde qui soutiennent l'économie (...). On estime que ce travail vaut 10 000 milliards de dollars dans l'économie mondiale», a expliqué Mme Byrnes.

Alors que plusieurs commerces de la capitale sont placardés et que la sécurité est sensiblement renforcée en ville, la directrice d'Oxfam Québec souhaite que les manifestations des prochains jours se déroulent dans le calme. 

«On a une opportunité cette année avec la présidence canadienne qui a mis l'équité des femmes de l'avant. Je pense qu'on pourrait avancer sur certains enjeux. (...) Ça serait dommage si les images qui dominent [sont celles] de débordements», a affirmé Mme Byrnes. 

À La Malbaie, où le premier ministre canadien Justin Trudeau a convié le G7 vendredi et samedi, les politiciens discuteront d'égalité des sexes et de l'autonomisation des femmes. Un Conseil consultatif sur l'égalité des sexes s'est d'ailleurs réuni en avril dernier à Ottawa et présentera des recommandations aux leaders présents au sommet. Winnie Byanyima, directrice générale d'Oxfam International, siège à ce comité. 

«On espère que leur voix sera entendue et que leurs recommandations seront prises au sérieux», a affirmé Denise Byrnes d'Oxfam Québec. 

Au cours des prochains jours, la ville de Québec vivra au rythme du G7 et des manifestations que ce genre d'événements politiques entraînent. Jeudi, une première «manif populaire et unitaire (...) pour l'ouverture des frontières, à bas l'exploitation capitaliste, l'extractivisme, le colonialisme et les politiques sexistes et racistes» doit traverser les rues de la capitale, du quartier Montcalm à la colline parlementaire. 

Les manifestants termineront leur marche devant le centre des congrès de Québec, où se situe le centre de presse accueillant plusieurs journalistes venus des quatre coins du monde.

Martin Tremblay, La Presse

La présence policière est très présente dans la ville de Québec.

Patrick Sanfaçon, La Presse

Plusieurs commerces ont placardé leur devanture, préférant prévenir la casse.

Des groupes dénoncent l'«enclos antidémocratique» pour les manifestations

Des groupes opposés aux sommets du G7 estiment que la «zone de libre expression» prévue pour les manifestations à La Malbaie est profondément antidémocratique.

Cet «enclos», ce «lieu complètement désolé» contraste avec le discours de Justin Trudeau, qui est l'hôte du sommet de cette année, a dénoncé en conférence de presse Charles Vaillancourt, président d'ATTAC-Québec.

«Dans l'ordre du jour amené par la présidence canadienne, il y a cette idée d'un monde pacifié... venir ici, c'est une expérience qui est un peu intimidante», a-t-il regretté.

«Il faut traverser des barrages policiers, il faut répondre à toutes sortes de questions, alors si c'est ça, le monde pacifié de Justin Trudeau où il y a un contrôle policier, eh bien ce n'est peut-être pas le monde idéal», a exposé M. Vaillancourt.

La zone réservée aux manifestations est délimitée d'un côté par une clôture montée sur les murets de béton que Montréal avait achetés pour la Formule E, et de l'autre, du fleuve Saint-Laurent.

La clôture longue de 1,4 kilomètre ceinture la «zone verte», dont l'accès est restreint et réservé aux citoyens qui habitent le secteur.

Le secteur réservé aux manifestations citoyennes est éloigné de l'endroit où se rencontreront les dirigeants des sept grandes puissances, a déploré le Conseil des Canadiens.

«On est assez loin du manoir Richelieu. C'est la zone de libre expression ici, mais on est un peu en train de prêcher dans le désert, parce que selon moi, les leaders du G7 ne viendront pas vraiment ici», a noté Sujata Dey, porte-parole de l'organisation.

Elle juge que la distance nuit à la mobilisation citoyenne et décourage les manifestants à se pointer là où se tient le sommet - cela ne signifie pas que la flamme de la mouvance altermondialiste s'est éteinte avec les années.

Il reste qu'à La Malbaie, à peine une poignée de gens se trouvaient dans la zone pour exercer leur liberté d'expression, jeudi.

Parmi les curieux venus prendre des photos et les journalistes attirés par la conférence de presse, il y avait tout de même Giannina-Mercier Gouin, une citoyenne qui a elle aussi pesté contre «l'enclos» et les mesures de sécurité déployées dans sa ville.

«C'est tannant. De la rue à ici, on m'a demandé cinq fois où j'allais. Je veux dire, c'est-tu nécessaire qu'il y en ait cinq qui me posent la question? Je pense qu'à un moment donné, quand il y en a eu deux, c'est assez», a-t-elle lancé.

La Malbéenne, qui travaille comme femme de ménage, se dit lésée par la tenue de ce sommet.

Des chambres de l'établissement où elle travaille ont été louées pour le G7, et elle dit être allée au boulot une seule journée cette semaine «parce qu'ils (les clients) ne veulent pas qu'on rentre».

«Peut-être que pour certaines personnes, il y a des retombées économiques, mais pour bien des travailleurs, il n'y en a pas; c'est plutôt une perte de salaire qu'on a», se désole-t-elle, disant ne pas savoir si elle pourra toucher un dédommagement financier.

Centre de détention temporaire

On s'attend à ce que l'épicentre des manifestations soit du côté de Québec. Du côté de La Malbaie, aucun rassemblement d'envergure n'est prévu.

Mais s'il devait y avoir manifestations et débordements dans la ville charlevoisienne ou ses environs, un centre de traitement des contrevenants a été aménagé à Clermont, non loin de La Malbaie.

La Sûreté du Québec (SQ) a refusé une demande de visite de l'établissement, jeudi, citant des raisons «opérationnelles».

En entrevue téléphonique, la porte-parole Audrey-Anne Bilodeau a expliqué que ce centre avait été mis sur pied afin de «traiter plusieurs arrestations simultanées rapidement, dans le respect des lois et des personnes».

Elle n'a pas voulu préciser quelle était la capacité d'accueil de l'établissement, qui regroupe un poste de police, un palais de justice et un centre de transition de détenus.

«On y retrouve entre autres une zone de décontamination - par exemple des douches, des douches oculaires -, des salles de bains», des salles de comparution ainsi que des «cellules de transition», a spécifié Mme Bilodeau.

Le centre n'est pas conçu pour héberger ses pensionnaires à long terme, a-t-elle indiqué. «Les prévenus détenus seront rapidement transportés à un centre de détention, au besoin.»

«Dernier G7»

Les représentants des deux organisations avaient aussi fait le déplacement à La Malbaie pour réclamer la fin de ces rencontres multilatérales, qui se caractérisent par leur profonde «hypocrisie».

Une banderole sur laquelle on pouvait lire «Dernier G7» a d'ailleurs été accrochée sur le grillage surmontant les murets bétonnés montréalais.

Le sommet du G7 s'ouvrira officiellement vendredi. L'hôte de l'événement, Justin Trudeau, a passé les deux derniers jours avec l'un des participants à l'événement, le président français Emmanuel Macron.

Ensemble, jeudi, ils ont réitéré leur engagement envers le multilatéralisme en prévision du sommet, qui se tient quelques jours après que le président américain Donald Trump eut frappé le Canada et l'Union européenne (UE) de tarifs douaniers sur l'acier et l'aluminium.

- Avec La Presse canadienne, Mélanie Marquis