Le premier ministre canadien Justin Trudeau et le président français Emmanuel Macron ont dit mercredi à Ottawa leur soutien à «un multilatéralisme fort», à deux jours du sommet du G7 au Québec au cours duquel ils veulent faire front commun dans la guerre commerciale opposant Washington à ses alliés.

Le président français, arrivé à Ottawa dans l'après-midi, a retrouvé le premier ministre canadien -comme lui chantre du libre-échange et du multilatéralisme - pour «aligner» leurs positions face au président américain Donald Trump, dont les mesures protectionnistes fracturent déjà le G7.

«À l'approche du G7, on doit s'assurer comme toujours de se coordonner», a déclaré M. Trudeau en retrouvant son hôte au Parlement fédéral d'Ottawa pour une séance de travail à deux. Le président français a évoqué pour sa part un «G7 qui intervient à un moment critique».

Dans leur déclaration commune, les deux dirigeants soulignent leur engagement à «oeuvrer ensemble» pour «apporter des réponses» dans «un contexte géopolitique complexe, marqué par des enjeux cruciaux pour l'avenir de la planète et de l'ordre international».

Signe de la proximité entre les deux pays, ils s'engagent notamment dans cette déclaration à tenir un conseil ministériel franco-canadien en matière de défense d'ici fin 2018.

Après une séance de travail, MM. Trudeau et Macron devaient tenir mercredi soir un entretien élargi avec cinq ministres, puis retrouver leurs épouses Brigitte Macron et Sophie Grégoire Trudeau pour un dîner privé dans un chalet au bord d'un lac.

Ils tiendront une conférence de presse jeudi matin.

Grande déception

«Il va y avoir des conversations franches et parfois difficiles autour de la table du G7, particulièrement avec le président américain sur le commerce, sur les tarifs» douaniers imposés notamment à l'UE, le Canada et le Japon, avait averti M. Trudeau avant d'accueillir son hôte.

«L'ordre économique mondial est sous attaque», a même lancé le ministre canadien du Commerce international François Philippe Champagne.

À Washington, le principal conseiller économique de la Maison-Blanche, Larry Kudlow, a voulu apaiser les esprits en évoquant de simples «différends commerciaux». «Il peut y avoir des désaccords, comme lors d'une querelle familiale», a-t-il dit.

L'Union européenne et le Canada avaient dans un premier temps obtenu un sursis, mais à leur grande déception, Donald Trump leur a finalement appliqué les mêmes taxes qu'aux autres.

Depuis vendredi, Européens et Canadiens ont durci le ton face à Washington.

Emmanuel Macron a assuré qu'il aurait «de nouveau au G7 une discussion utile et franche avec le président Trump». «Cela n'enlève rien à l'amitié que nous avons l'un pour l'autre et à l'amitié qui lie nos deux pays», a-t-il souligné.

Justin Trudeau avait lui aussi joué la carte de la cordialité avec son grand voisin et assurait en mars que le président américain lui avait promis d'épargner les Canadiens. Il est passé à l'attaque en annonçant des taxes de 16,6 milliards de dollars sur des produits américains.

Autre pomme de discorde entre Ottawa et Washington, l'avenir de l'accord de libre-échange nord-américain (ALENA) qui lie Canada, États-Unis et Mexique: Washington envisage désormais des négociations séparées. Justin Trudeau y est opposé, se disant «convaincu que l'ALENA est extrêmement positif».

«G6 + 1»

Le président français se rendra jeudi à Montréal pour rencontrer le premier ministre québécois Philippe Couillard, avec qui il devrait notamment parler francophonie, intelligence artificielle et échanges commerciaux et culturels.

Il se dirigera ensuite vers La Malbaie, petite ville à 140 km de Québec surplombant le fleuve Saint-Laurent où se déroule vendredi et samedi, dans un grand hôtel ultra-sécurisé, le sommet du G7 (Allemagne, Canada, États-Unis, France, Royaume-Uni, Italie et Japon).

Le sommet risque aussi de refléter l'isolement de Washington sur plusieurs autres fronts, comme la lutte contre le réchauffement climatique.

Les Européens sont également irrités et inquiets de la décision américaine de sortir de l'accord sur le nucléaire iranien, en faisant pression sur leurs entreprises pour qu'elles quittent l'Iran.

Au-delà des thèmes officiels prévus (croissance inclusive, avenir du travail et du commerce, paix et sécurité, égalité femmes-hommes, changement climatique), la difficulté sera de tomber d'accord sur un communiqué final avec les États-Unis.

Déjà en 2017, lors du précédent G7 en Italie, les États-Unis avaient refusé de signer la déclaration finale pour cause de retrait de l'accord de Paris sur le climat. Ils ont aussi refusé de signer la déclaration finale de la réunion annuelle de l'OCDE, la semaine dernière à Paris, rejetant les négociations multilatérales jugées inefficaces.

Le G7 Finances, tenu en fin de semaine dernière, n'a pas non plus donné lieu à une déclaration commune, prenant des airs de «G6 + 1», selon le ministre français des Finances Bruno Le Maire.