Le Groupe des sénateurs indépendants (GSI), première force en présence à la chambre haute, prévient qu'il n'aura pas de patience pour les manoeuvres partisanes qui pourraient retarder l'adoption du projet de loi C-45 sur la légalisation du cannabis.

C'est la mise en garde qu'a servie mardi l'une des dirigeantes de la faction sénatoriale, Raymonde Saint-Germain, estimant que la mesure législative est désormais satisfaisante grâce aux 40 amendements adoptés lundi au comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

«Nous sommes ouverts à d'autres amendements qui auraient une véritable valeur ajoutée et non pas à des amendements superficiels, tactiques inapplicables, qui ont pour but de manière détournée de contrecarrer les objectifs fondamentaux» de C-45, a-t-elle dit.

De tels amendements «ne sont pas dans l'intérêt public, car chaque jour qui se poursuit sans que cette loi soit en vigueur est un jour de plus où le marché illicite du cannabis est le seul maître à bord au Canada», a soutenu la sénatrice en point de presse dans le foyer du Sénat.

Le Sénat entame le dernier droit de l'étude de la mesure législative en gardant le cap sur la date butoir du 7 juin prochain pour un vote final. Cet échéancier a été convenu entre les chefs des différentes factions représentées à la chambre haute.

Le leader de l'opposition conservatrice, Larry Smith, a semblé vouloir semer la crainte en soutenant, tôt mardi matin, qu'il ne pouvait «garantir» que l'étude serait bouclée dans les délais prescrits, car des amendements seront mis de l'avant lors du débat en troisième lecture.

Il a plaidé en point de presse que les 12 sénateurs du comité qui a amendé C-45 ne pouvaient prétendre représenter l'entièreté des membres de la chambre haute. Le projet de loi, a-t-il martelé, reste «plein de trous».

Les sénateurs conservateurs bombent le torse, mais ils ne détiennent plus la majorité au Sénat. Même s'ils votent en bloc, ils n'ont pas la force du nombre requise pour stopper le projet de loi. Ils pourraient, en revanche, user de manoeuvres dilatoires pour entraver le processus.

Ils l'ont fait mardi en refusant de donner leur consentement au dépôt du rapport du comité sénatorial. Au bureau du sénateur Smith, on a justifié ce blocage en arguant que «le leadership du GSI a laissé entendre que des amendements supplémentaires (seraient hors d'ordre)».

Culture à domicile

Le Québec et le Manitoba ont trouvé des alliés au comité sénatorial chargé d'adopter des amendements, lundi, les sénateurs ayant approuvé un amendement qui vise à écrire noir sur blanc que les provinces et territoires devraient avoir la latitude d'interdire la culture de cannabis à domicile.

La modification a obtenu l'aval du sénateur qui a déposé C-45 à la chambre haute au nom du gouvernement, l'indépendant Tony Dean. La sénatrice Raymonde Saint-Germain n'a pas voulu dire si cela laissait entendre que les libéraux seraient prêts à infléchir leur position.

«La réponse du gouvernement à cet amendement, nous ne l'avons pas. J'ai confiance, j'ai espoir, parce que les provinces ont fait un travail sérieux, je pense que cet amendement respecte l'autonomie des provinces», a-t-elle argué.

«On parle de fédéralisme coopératif, en voici un bel exemple», a conclu la sénatrice.

À Québec, le ministre responsable des Relations canadiennes, Jean-Marc Fournier, a déclaré qu'il ne pouvait «que se réjouir» de cet appui. «Cette décision légitime du Québec (...) s'appliquera», a-t-il signalé dans une déclaration écrite transmise par son bureau mardi soir.

La ministre fédérale de la Santé, Ginette Petitpas Taylor, avait refusé un peu plus tôt de dire ce que le gouvernement ferait de cet amendement s'il est adopté au Sénat. «Il y a un vote le 7 juin, et je ne vais pas préjuger (du résultat)», a-t-elle offert en mêlée de presse.

Elle s'est dite «absolument» ouverte à dire oui à certains des amendements adoptés en comité, mentionnant les 29 «de nature administrative» auxquels les libéraux s'étaient montrés favorables et qui ont été avalisés lundi à la table du comité sénatorial.

En coulisses, au gouvernement, on a fait remarquer mardi qu'il ne fallait pas accorder de signification particulière au vote du sénateur Dean.

Autochtones

L'autre amendement qui était suivi de près, celui de retarder l'entrée en vigueur du projet de loi afin de permettre aux communautés autochtones de s'y préparer adéquatement, a été battu à sept votes contre cinq, lundi soir.

Le chef de l'Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador, Ghislain Picard, a renouvelé mardi cette demande de report en faisant appel «à la sensibilité» des sénateurs «qui semblent plus sensibles aux défis qui frappent à notre porte, incluant le cannabis».

«En dépit des multiples engagements du gouvernement Trudeau à l'égard des Premières Nations, Métis et Inuit, force est de constater son indifférence face à ses obligations, notamment en matière de consultation», a-t-il regretté par voie de communiqué.

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RÉPARTITION DES SIÈGES AU SÉNAT

Groupe des sénateurs indépendants: 43 sièges

Parti conservateur du Canada: 32 sièges

Parti libéral du Canada: 11 sièges

Non affiliés: 6 sièges

Sièges vacants: 13 Alberta (1), Colombie-Britannique (1), Île-du-Prince-Édouard (1), Nouvelle-Écosse (2), Ontario (2), Québec (2), Saskatchewan (1), Terre-Neuve-et-Labrador (1), Territoires du Nord-Ouest (1), Yukon (1)

Total de sièges: 105