Justin Trudeau s'est montré ouvert, hier, à une modification de l'Entente sur les tiers pays sûrs entre le Canada et les États-Unis, qui encadre le passage des demandeurs d'asile entre les deux pays.

En déplacement à La Malbaie en prévision du Sommet du G7, le premier ministre a défendu l'approche de son gouvernement sur la question des demandeurs d'asile. Mais il n'a pas fermé la porte à l'idée de renégocier l'entente qui encadre le passage des migrants à la frontière avec les États-Unis.

« Effectivement, il pourrait y avoir des changements aux tiers pays sûrs si on arrive là-dessus. Mais ce n'est pas pour maintenant. Ce sont des conversations qui continuent, a déclaré Justin Trudeau. On sait que la question de l'immigration est délicate ou controversée aux États-Unis ces jours-ci. »

« On a des discussions permanentes avec nos homologues des États-Unis en matière de protection des frontières, de services frontaliers. »

- Justin Trudeau, premier ministre du Canada

« Mais certainement de faire valoir le point de vue du Canada et l'importance d'avoir des ententes constructives entre le Canada et les États-Unis en matière d'immigration et de protection de nos frontières, ce serait une bonne chose », a-t-il dit, ajoutant qu'il n'y a pas, pour l'instant, de « discussions formelles à ce niveau ».

Au début du mois, le ministre de la Sécurité publique, Ralph Goodale, avait déclaré que des discussions « très préliminaires » avaient commencé entre les deux pays à propos de cette épineuse question. La sortie de Justin Trudeau hier semble aller en ce sens.

L'Entente sur les tiers pays sûrs prévoit qu'un demandeur d'asile qui se présente à une douane canadienne sera renvoyé aux États-Unis. C'est pourquoi certains demandeurs d'asile entrent au pays de manière irrégulière.

Le chemin Roxham à Saint-Bernard-de-Lacolle, en Montérégie, est ainsi devenu l'un des lieux de passage préférés des demandeurs d'asile. « Si 91 % des entrées irrégulières [au pays se font] au Québec, c'est parce qu'on a le chemin irrégulier le plus connu au monde », déplorait récemment Jean-François Lisée, chef du Parti québécois (PQ), citant des données du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés.

Le Parti libéral du Québec et la Coalition avenir Québec se sont montrés favorables dans les derniers mois à une renégociation de l'entente. Le PQ demande, quant à lui, qu'elle soit carrément suspendue, pour s'assurer d'une meilleure répartition des demandeurs d'asile au Canada.

ROXHAM, LE PASSAGE « NON OFFICIEL »

À Plattsburgh, le chemin Roxham est même vanté dans un dépliant à l'usage des demandeurs d'asile. Un feuillet d'une page qui porte le logo de l'organisme Plattsburgh Cares, qui vient en aide aux réfugiés, explique comment passer par le chemin.

Selon La Presse canadienne, les migrants y apprennent notamment qu'ils auront besoin d'un taxi pour se rendre au chemin Roxham, qu'ils devront emporter tous leurs bagages avec eux et qu'une fois rendus au Canada, ils pourront faire une demande d'asile en vertu de la Constitution canadienne.

La députée conservatrice Michelle Rempel a expliqué en entrevue avec La Presse canadienne qu'Ottawa pourrait régler le problème en appliquant l'Entente sur les tiers pays sûrs à l'ensemble de la frontière.

Par ailleurs, le maire de Toronto s'est plaint, hier, du manque d'écoute de la part d'Ottawa alors que les coûts explosent pour l'accueil des demandeurs d'asile. « On leur parle de manière ni plus ni moins continue. Mais on n'a reçu aucune indication d'aide, aucune. Zéro », a déploré John Tory hier, selon le Toronto Star.

Le Toronto Star note que la hausse du nombre de demandeurs d'asile coûtera au moins 64,5 millions aux contribuables torontois en 2017 et 2018.

Justin Trudeau a tenu, hier, à rassurer les Canadiens. Selon lui, les demandeurs qui passent par le chemin Roxham ne font pas « un tour de passe-passe ».

« Oui, il y a des immigrants réguliers, oui, ça prend des ressources de plus. Mais les gens peuvent être confiants : on applique à la lettre nos systèmes. Des gens qui arrivent de manière irrégulière sans être de véritables réfugiés [...] pour essayer de contourner notre système d'immigration vont se voir renvoyés chez eux », a lancé le premier ministre, ajoutant du même coup que le processus prend toutefois « quelques années ».

Photo Jean-Marie Villeneuve, Le Soleil

Justin Trudeau