Le ministère fédéral des Finances a décidé de garder secrètes des dizaines de pages de documentation sur une rencontre préparatoire du G7, ironiquement destinée à «promouvoir la transparence» sur les enjeux discutés par les principaux pays industrialisés.

La Presse a tenté d'en apprendre davantage sur le Colloque financier du G7, qui se déroulera la semaine prochaine à Vancouver. «Ce forum vise à promouvoir la transparence et à offrir au public une fenêtre sur les sujets qui seront discutés par les ministres des Finances et les gouverneurs des banques centrales du G7 en 2018», peut-on lire dans les notes internes destinées au ministre Bill Morneau, obtenues en vertu de la Loi sur l'accès à l'information.

Malgré les objectifs d'ouverture visés par ce symposium, la vaste majorité du document de 49 pages remis à La Presse a été caviardée. Seuls quelques paragraphes sont lisibles, une situation qui n'étonne pas du tout Duff Conacher, cofondateur de l'organisme Democracy Watch.

«Le ministère des Finances affiche l'un des pires bilans en matière de divulgation et c'est un problème qui perdure, a-t-il lancé. Les électeurs ne reçoivent pas l'information à laquelle ils ont droit en vertu de la loi. Le Ministère fait un usage abusif des échappatoires de la loi pour cacher de l'information.»

«Secret par défaut»

La Loi sur l'accès à l'information permet aux citoyens et aux médias de demander n'importe quel document de nature publique, comme des notes internes ou des rapports de dépenses, en échange de 5 $. Les ministères et agences gouvernementales doivent y répondre à l'intérieur de 30 jours, mais plusieurs clauses leur permettent de demander un délai ou de retenir des informations.

Duff Conacher, qui est aussi professeur à temps partiel à la faculté de droit de l'Université d'Ottawa, juge pitoyable le bilan du gouvernement de Justin Trudeau en matière d'accès à l'information. «Ils ont fait la promesse électorale d'adopter l'ouverture par défaut, mais ils ont plutôt adopté le secret par défaut.»

L'ex-commissaire à l'information du Canada Suzanne Legault s'est elle aussi montrée cinglante. Dans son dernier rapport annuel, publié en juin dernier, elle a estimé que la Loi sur l'accès à l'information était utilisée comme «bouclier contre la transparence» par Ottawa. Elle juge la loi actuelle «désuète».

Un projet de loi (C-58) actuellement à l'étude au Sénat prévoit une réforme de l'accès à l'information au Canada. Suzanne Legault estime toutefois que les changements proposés par le gouvernement Trudeau ne vont pas assez loin, et qu'ils entraîneront même une régression du droit à l'information pour les Canadiens.

L'exemple de Netflix

Ce projet de loi a fait l'objet de critiques virulentes de la part de sénateurs influents. Pendant une allocution au début du mois, Claude Carignan l'a qualifié de «vive déception», ajoutant qu'il ne répondait pas aux attentes suscitées par le gouvernement Trudeau.

M. Carignan a rappelé l'exemple récent de l'entente secrète conclue entre Ottawa et Netflix, qui permet au géant américain de «se soustraire aux lois fiscales» du Canada. Malgré plusieurs demandes d'accès à l'information, presque rien n'a été divulgué sur cet accord. Idem pour une mystérieuse somme de 29 millions versée l'an dernier par le gouvernement à deux individus ou entités, dont on ignore toujours l'identité.

«Aucune de ces informations ne relève de la sécurité nationale ou ne mettrait la vie de quelqu'un en danger, a fait valoir le sénateur. Pourquoi le gouvernement cache-t-il ces renseignements? La culture du secret doit disparaître.»

Pas d'explication

Dans le cas de la rencontre du G7 de la semaine prochaine en Colombie-Britannique, La Presse a tenté à plusieurs reprises d'obtenir des explications du ministère des Finances sur les causes du caviardage intensif des documents obtenus en vertu de la Loi sur l'accès à l'information. Un porte-parole a finalement envoyé un courriel hier en fin d'après-midi, sans vraiment apporter de réponses.

«Ces notes contiennent des conseils à l'intention du ministre, des renseignements personnels de certains invités (y inclus quelques-uns qui ont finalement décliné l'invitation), ainsi que des informations provisoires qui ne reflètent pas nécessairement l'évènement qui aura lieu la semaine prochaine», a indiqué David Barnabé, du ministère des Finances.

Au cabinet de Bill Morneau, le directeur des communications Daniel Lauzon a souligné que la décision de caviarder ou pas des informations revenait aux fonctionnaires du Ministère, sans intervention du politique. 

Il a par ailleurs fait valoir que le sommet de la semaine prochaine serait plus ouvert que jamais aux citoyens et aux médias. Des séances plénières se tiendront la première journée, et au moins un point de presse par jour sera organisé, a-t-il indiqué.

Ottawa a publié hier un communiqué dévoilant quelques détails sur l'évènement qui se déroulera du 31 mai au 2 juin à Vancouver et à Whistler. Les thèmes de l'égalité des sexes et de l'avancement de la classe moyenne seront notamment à l'ordre du jour. Le Canada, qui préside le G7 cette année, tiendra par la suite un sommet des chefs d'État les 8 et 9 juin à La Malbaie.

- Avec la collaboration de William Leclerc

Deux pages caviardées que l'on retrouve dans le document du ministère des Finances visant à préparer le colloque financier du G7.