Le ministre de l'Innovation, des Sciences et du Développement économique, Navdeep Bains, affirme que la politique du gouvernement Trudeau en matière d'innovation permettra non seulement de stimuler la croissance économique au pays dans des secteurs d'avenir, mais aussi de contrer les forces du populisme qui se répandent dans certains coins du globe.

Car avant d'annoncer le plan d'Ottawa en matière d'innovation qui a donné lieu à des investissements fédéraux de près de 1 milliard de dollars dans cinq supergrappes, en février, le ministre Bains avait une idée maîtresse en tête : comment s'assurer que cette politique économique profite au plus grand nombre de Canadiens possible.

« L'innovation doit profiter au plus grand nombre de personnes possible », laisse tomber Navdeep Bains durant une récente entrevue accordée à La Presse à son bureau de la colline parlementaire, soulignant que les forces du populisme s'alimentent des craintes liées à l'innovation et à la mondialisation.

« Dans le débat entourant la mondialisation, certains disent que cela profite seulement aux grandes entreprises. On dit la même chose de l'innovation, que cela profite seulement à une poignée de gens. On dit aussi que le commerce favorise seulement les pays importants ou encore que seulement les grands centres urbains en tirent profit », ajoute le ministre, qui tente de déboulonner certains de ces mythes.

« Les gens ne pensent pas qu'innovation et agriculture vont ensemble, par exemple. Quand ils pensent à l'innovation, ils pensent à Apple et son dernier téléphone. Mais il y a beaucoup d'innovation dans plusieurs secteurs. » -  Navdeep Bains, ministre de l'Innovation, des Sciences et du Développement économique

« Nous voulons démontrer que l'innovation peut profiter au plus grand nombre de Canadiens possible et nous voulons aussi démontrer que l'innovation s'applique à tous les domaines, et non pas à seulement un ou deux secteurs. Si nous y arrivons, cela permettra de contrer les forces du populisme », enchaîne-t-il.

CINQ PROJETS RETENUS

En février, le ministre Bains a annoncé avoir retenu cinq projets qui se partageront en tout quelque 950 millions de dollars d'Ottawa au cours des cinq prochaines années dans l'espoir de stimuler l'innovation au pays.

L'un de ces projets a été soumis par le consortium SCALE.AI de Montréal, qui regroupe plus de 120 sociétés industrielles, organisations et établissements de recherche de calibre mondial. Le consortium entend utiliser l'intelligence artificielle et la robotique afin de mettre au point des chaînes d'approvisionnement intelligentes. À elle seule, cette supergrappe montréalaise, qui compte investir 700 millions en plus des fonds fédéraux, devrait créer 16 000 emplois.

Des supergrappes seront aussi financées dans le Canada atlantique (supergrappe de l'économie océanique), en Ontario (supergrappe de la fabrication de pointe), dans les Prairies (supergrappe des industries des protéines) et en Colombie-Britannique (supergrappe des technologies numériques).

En tout, les investissements du gouvernement fédéral dans ces cinq projets devraient permettre de créer 50 000 emplois au pays au cours de la prochaine décennie, en plus de faire croître l'économie de 50 milliards de dollars durant la même période.

En entrevue, le ministre Bains a soutenu, comme le font ses collègues du gouvernement Trudeau, que le Canada n'est pas à l'abri de la montée du populisme et des sentiments anti-immigration. « Nous ne sommes pas à l'abri du populisme. Nous ne devons pas sous-estimer ces forces au Canada. Nous devons être conscients que lorsque nous parlons d'un gouvernement activiste, de l'immigration, de la diversité, il y a des forces qui s'opposent à tout cela », a-t-il dit.

« La politique de la peur, la politique de la division, on l'a vue dans le passé avec Stephen Harper. Ça va certainement refaire surface durant la prochaine campagne électorale. Et on ne doit rien tenir pour acquis », a ajouté le ministre de 40 ans.

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Navdeep Bains sur...

Le rêve canadien

« Mes parents ont vécu le rêve canadien. Ils ont beaucoup de gratitude envers le Canada », soutient le ministre Navdeep Bains en racontant l'histoire de ses parents, notamment celle de son père qui a quitté l'Inde très jeune avec moins de 10 $ dans ses poches. « En arrivant au Canada, il a cogné à quelques portes pour se trouver un emploi. Il a commencé comme menuisier et travaillait avec des Italiens. Il a éventuellement ouvert sa propre entreprise de fabrication de cuisines et d'armoires. Il a eu du succès en tant que propriétaire d'une entreprise et il a créé des emplois ici et il peut prendre une retraite confortable. [...] Mon père me rappelle presque quotidiennement que si nous étions toujours dans son village en Inde, je ne serais probablement pas en vie aujourd'hui. Mes cousins qui ont vécu dans le même village, certains ont eu des problèmes de drogue, il n'y a pas beaucoup de terres et d'occasions. Il n'y a pas d'éducation de qualité. Ce qui a fait la différence dans mon cas, c'est le Canada. »

Les pyjamas qui décorent son bureau

Dans son bureau de l'édifice du centre de la colline parlementaire, le ministre Navdeep Bains a accroché à l'un des murs deux cadres renfermant les pyjamas que ses deux filles portaient dans les heures qui ont suivi leur naissance à l'hôpital. On y voit aussi plusieurs photos de famille prises annuellement durant le temps des Fêtes. Une façon bien simple, pour lui, de rappeler les sacrifices familiaux que doivent faire les ministres et les députés qui siègent à la Chambre des communes. C'est aussi une façon de souligner qu'il a choisi de faire de la politique pour améliorer le sort des générations à venir. « C'est pour cela que je suis en politique », lance le ministre en pointant vers les photos et les pyjamas. « Quand on m'a demandé comment je voulais décorer mon bureau, c'est tout ce que je voulais. C'est ce qui m'inspire. »

L'influence de Jean Chrétien

Élu pour la première fois en 2004 dans la circonscription de Mississauga-Brampton-Sud, Navdeep Bains a cru bon de solliciter les conseils de l'ancien premier ministre Jean Chrétien après sa victoire. Et l'ancien premier ministre l'a fortement encouragé à apprendre le français - ce qu'il a entrepris de faire depuis lors. « Sa première remarque a été de dire : "Si moi je peux apprendre l'anglais... tu peux apprendre le français." Il m'a encouragé à faire l'effort. [...] C'était un sage conseil. Et j'ai fait de mon mieux depuis pour le mettre en pratique en suivant des cours de français. » Et plus tard, M. Bains a décidé d'inscrire ses deux filles, Nanki et Kirpa, à l'école d'immersion française. « J'essaie d'aider mes filles, mais elles commencent à avoir une meilleure maîtrise de la langue que moi. Ma fille aînée est maintenant très bonne en français. »

Les bas de Justin Trudeau

Si les bas colorés de Justin Trudeau sont devenus sa marque de commerce, ici comme à l'étranger, le premier ministre doit une fière chandelle à Navdeep Bains. Durant la course à la direction du Parti libéral, en 2012, M. Bains accompagnait M. Trudeau à certains événements dans la grande région de Toronto. « Nous étions à un événement dans une résidence privée et nous avions tous enlevé nos souliers. Je portais alors des bas aux couleurs très vives. Les gens présents ont remarqué et ils m'ont fait des compliments. Justin Trudeau portait alors des bas très moches de couleur noire. Mes bas étaient bien agencés avec ma cravate et mon turban. Les gens ont passé bien des remarques. C'est à ce moment que M. Trudeau a changé son plan de match. Mais en vérité, je devrais avoir un peu le crédit pour sa nouvelle mode concernant ses bas. Il ne va jamais l'écrire dans son autobiographie, mais c'est grâce à moi ! »