Le gouvernement Trudeau affirme qu'il avait l'obligation de soulever avec l'administration Trump le zèle dont a été victime le ministre de l'Innovation, des Sciences et du Développement économique Navdeep Bains aux mains des agents de sécurité à l'aéroport métropolitain de Detroit, l'an dernier, afin de rappeler aux autorités américaines que tous les Canadiens, peu importe leur origine, ont des droits qui doivent être respectés.

La Presse a révélé hier que le ministre Bains a dû composer avec le zèle de certains agents de sécurité de cet aéroport qui insistaient pour qu'il enlève son turban, même après avoir passé tous les contrôles de sécurité, y compris le portique de détection de métal. Il s'apprêtait à prendre un vol de retour au pays en direction de Montréal après avoir participé à des rencontres de haut niveau avec des décideurs de la région des Grands Lacs, dont le gouverneur du Michigan, Rick Snyder.

À Washington, où elle continue de participer aux négociations visant à moderniser l'Accord de libre-échange nord-américain en compagnie de ses homologues américain et mexicain, la ministre des Affaires étrangères Chrystia Freeland a confirmé que des hauts fonctionnaires de son ministère ont exprimé les protestations du gouvernement canadien au département d'État américain devant le traitement réservé au ministre Bains.

« Nous avons entendu que le ministre Bains a éprouvé des difficultés à la frontière. Mes fonctionnaires ont discuté de cette situation avec les fonctionnaires américains pour leur expliquer la perspective du Canada. Je crois que c'était important pour nous de supporter ainsi le ministre Bains. Et franchement, c'est aussi une question de supporter tous les Canadiens qui traversent la frontière », a affirmé la ministre Freeland aux journalistes qui l'interrogeaient à ce sujet hier dans la capitale américaine.

UN INCIDENT « TROUBLANT »

Le ministre de la Sécurité publique, Ralph Goodale, a renchéri en disant que le zèle dont a été victime le ministre Bains démontre que les autorités américaines doivent rappeler à leurs agents de sécurité dans les aéroports de suivre leurs propres normes.

« C'est un incident troublant et c'est évidemment pour cette raison que le gouvernement du Canada a voulu attirer l'attention de l'administration américaine sur cette situation. Cela démontre qu'il s'est produit quelque chose qui n'aurait jamais dû se produire », a affirmé le ministre Goodale.

Aux États-Unis, la Transportation Security Administration a adopté de nouveaux règlements en 2007 permettant aux sikhs de garder leur turban lorsqu'ils passent les contrôles de sécurité aux aéroports. Ces derniers doivent toutefois se soumettre à des contrôles supplémentaires, comme un test de prélèvement (swab test). Mais il survient encore des cas où l'on oblige les sikhs à enlever leur turban, contre leur gré, même après avoir franchi les contrôles de sécurité. Les révélations de La Presse concernant le traitement qu'a subi le ministre Bains ont été reprises par plusieurs médias étrangers hier, dont la BBC, CNN, le Washington Post, AFP et le Daily Mail.

Dans une déclaration faite hier, la Transportation Security Administration a confirmé que les agents de sécurité n'ont pas suivi les procédures de sécurité après avoir visionné les vidéos de l'incident. « Nous regrettons que l'expérience de M. Bains en matière de contrôle de sécurité n'ait pas répondu à ses attentes », a affirmé Michelle Negron, la secrétaire de presse adjointe de l'organisme, dans cette déclaration.

Tout au long de l'incident à l'aéroport de Detroit, le ministre Bains, qui portait un complet foncé et une cravate rouge - la même couleur que son turban -, est demeuré calme et n'a jamais brandi son passeport diplomatique, sauf à la toute fin quand le supérieur d'un agent de sécurité lui a demandé de lui remettre le document officiel pour confirmer son identité. C'était la première fois de sa vie qu'une telle situation se produisait, lui qui voyageait fréquemment avant de devenir ministre au sein du gouvernement Trudeau en 2015 et qui est aujourd'hui souvent appelé à se rendre à l'étranger dans le cadre de ses fonctions ministérielles.