Martine Ouellet reconnaît que la situation de crise au Bloc québécois « n'est pas une bonne nouvelle », mais elle estime que la création d'un nouveau parti par les sept députés démissionnaires a à tout le moins le mérite de clarifier les choses.

Flanquée des deux seuls députés bloquistes qui continuent de l'appuyer, Xavier Barsalou-Duval et Marilène Gill, et du nouveau vice-président du Bloc québécois, Gilbert Paquette, Mme Ouellet a accusé lundi à Montréal le nouveau parti en gestation d'être en faveur du statu quo constitutionnel, puisque les démissionnaires se disent prêts à accueillir des représentants d'autres formations fédéralistes dans leurs rangs.

« Ce parti-là ne fera pas la promotion de l'indépendance ; il défendra les intérêts du Québec, mais dans la perspective du régime actuel, dans la perspective de statu quo », a-t-elle affirmé en conférence de presse.

Gilbert Paquette, pour sa part, est allé jusqu'à qualifier le futur parti de « crypto-fédéraliste » puisque ses députés n'associeront pas la défense des intérêts du Québec à l'accession à l'indépendance.

Martine Ouellet maintient la ligne qu'elle défend depuis son arrivée à la tête de la formation, à savoir qu'il faut « faire la promotion de l'indépendance sur toutes les tribunes à toutes les occasions », comme le prévoit l'article 1 du programme du parti.

« Le ciment du mouvement souverainiste-indépendantiste, c'est l'indépendance », martèle Mme Ouellet lorsqu'on lui demande d'expliquer les divisions qui marquent le mouvement tant au niveau provincial, avec la présence de deux partis souverainistes (le Parti québécois et Québec solidaire), que fédéral avec la scission du Bloc.

Selon elle, il n'y a que ce thème qui peut rallier ses supporters et c'est pourquoi elle persiste et signe. « Il faut s'assumer : ce n'est pas en cachant l'indépendance qu'on va la faire, au contraire », dit-elle.

Attaques « indignes »

Selon elle, c'est d'ailleurs cette question de fond qui est au coeur de la crise et non sa propre personnalité ou son style de leadership, qui a été sévèrement critiqué par les démissionnaires.

À cet effet, elle ne cache pas une certaine amertume face aux critiques dont elle a fait l'objet, notamment lorsqu'on a qualifié ses supporters de secte. « Ce sont des attaques qui sont vraiment indignes », s'est-elle insurgée.

« C'est blessant, je dois dire, tous les dérapages médiatiques et les attaques et insultes que j'ai reçues sur la personnalité, alors que l'enjeu principal c'est une lutte de pouvoir sur le rôle du Bloc québécois. »

Car Martine Ouellet n'en démord pas : selon elle, « ce n'est pas la personnalité qui est le principal enjeu », mais bien la question de fond du rôle du Bloc.

Double standard pour une femme ?

Cela ne l'empêche pas pour autant de reconnaître que c'est sa personnalité qui a été au coeur de la discussion publique et elle croit que cette question a créé une distorsion de perception. « Je ne suis pas intransigeante, je ne suis pas contrôlante » a-t-elle déclaré, se disant tout au plus « exigeante ».

Mais elle s'interroge sur le traitement dont elle a fait l'objet : « Est-ce que le fait que je sois une femme a [entraîné] une opinion différente chez les gens ? Je ne le sais pas. »

« Je me pose la question : est-ce qu'il y a un double standard dans l'analyse ? », poursuit-elle, soutenant que, comparativement à ses prédécesseurs, sa façon de travailler « était beaucoup plus souple objectivement ».

Démissionnaires ouverts

Les propos de Mme Ouellet ont été accueillis avec un grain de sel par les députés démissionnaires à Ottawa.

Rhéal Fortin a rappelé que leur parti n'est encore qu'un projet. « Je vois qu'il y en a qui sont plus avancés que nous dans la définition de notre parti. Mme Ouellet, à ce que sache, elle est encore chef du Bloc québécois », a-t-il dit.

« Il y a une chose sur laquelle on s'entend tous : on est là pour défendre les intérêts du Québec », a-t-il poursuivi, ajoutant que si jamais un fédéraliste voulait se joindre à un futur parti « qui n'aura comme seule mission que de défendre les intérêts du Québec, je pense que c'est un fédéraliste qui n'est pas loin d'être indépendantiste ».

De son côté, Louis Plamondon a dit voir cette ouverture comme une occasion unique de prosélytisme auprès de fédéralistes désabusés, rappelant que l'appui envers la souveraineté tourne autour des 30 % dans les sondages.

« Venir nous parler c'est le premier pas vers la souveraineté. [...] Il faut aller chercher des fédéralistes et les convertir, alors on va le faire », a-t-il dit.

Mario Beaulieu indécis

Pendant ce temps, le cas de Mario Beaulieu demeure nébuleux.

L'ex-président de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal est officiellement toujours président du parti, mais n'était pas aux côtés de Mme Ouellet lors de la conférence de presse.

Il est également toujours député du Bloc québécois, mais n'a pas encore fait savoir publiquement s'il appuie Martine Ouellet ou non.

Mme Ouellet sera soumise à un vote de confiance le 3 juin. Elle aura besoin de 50 % des voix plus une pour demeurer en selle.

Les membres du Bloc seront également appelés à se prononcer sur la réaffirmation de l'article 1 du programme du parti qui prévoit que « le Bloc Québécois utilise chaque tribune et chaque occasion pour démontrer la nécessité de l'indépendance du Québec ».