La décision du Portugal de décriminaliser la possession et la consommation de petites quantités de drogues, quelles qu'elles soient, s'est avérée «une réussite», entraînant une chute de la criminalité et une réduction de la consommation, affirme le premier ministre portugais António Costa, en visite officielle au Canada.

Alors que certains députés et des militants libéraux pressent le gouvernement Trudeau de suivre l'exemple du Portugal, où l'on a opté en 2001 d'imposer des sanctions administratives au lieu d'imposer des peines de prison aux personnes qui sont arrêtées en possession de faibles quantités de drogues illicites telles que la cocaïne, le premier ministre Costa a affirmé que les Nations unies ont déjà salué cette réforme qui met l'accent sur les services de désintoxication.

«C'est une bonne réforme. Depuis 17 ans, on peut dire qu'elle a été un succès. Notre focus a été de voir le consommateur non pas comme un criminel mais comme quelqu'un qui avait besoin de soins.  Ce qui était plus important, c'est de mobiliser le système de santé et pas le système pénal», a affirmé M. Costa, alors qu'il rencontrait les médias en compagnie de son hôte, le premier ministre Justin Trudeau.

«Dix-sept ans plus tard, on trouve dans les rapports des Nations unies l'exemple du Portugal comme un exemple d'une bonne pratique. Chaque pays a ses propres choix. On a trouvé un chemin qui a permis la réduction de la consommation et surtout de toute la criminalité associée à la consommation. Cela est clairement une réussite parce qu'il y a surtout une forte réduction de dépendance des drogues au Portugal», a ajouté le premier ministre, qui s'exprimait dans la langue de Molière.

Au dernier congrès du Parti libéral, qui a eu lieu à Halifax il y a deux semaines, les militants libéraux ont entériné une résolution présentée par les députés du caucus libéral enjoignant le gouvernement à suivre l'exemple du Portugal, comme moyen de s'attaquer à la crise des opioïdes qui fait de plus en plus de ravages dans les provinces de l'Ouest.

Dans sa résolution, le caucus libéral soulignait que le nombre de décès par surdose a diminué considérablement au Portugal depuis l'adoption de cette réforme, tandis que le nombre de personnes arrêtées et poursuivies devant les tribunaux avait diminué de 60% et que le coût social par habitant lié à la consommation de drogues avait baissé de 18%.

Mais le premier ministre Justin Trudeau a écarté cette idée à l'issue du congrès libéral, soulignant que le gouvernement est toujours prêt à écouter les idées des militants, mais que cela ne fait pas partie des priorités du cabinet.

Devant les journalistes, jeudi, M. Trudeau a réitéré son opposition à une telle réforme. «Au Canada on est toujours intéressé de faire des politiques basées sur les données, sur les faits. C'est évidemment intéressant ce qui se passe à l'international, mais comme j'ai dit pour l'instant ce n'est aucunement dans les plans du Canada de procéder à la décriminalisation de toutes les drogues», a-t-il déclaré.

Par ailleurs, M. Trudeau a semblé fermer la porte à l'idée d'accepter un amendement du Sénat au projet de loi C-45 sur la légalisation de la consommation de la marijuana, qui donnerait aux provinces le pouvoir de prohiber la culture de cannabis à domicile, comme le réclame d'ailleurs le Québec.

Dans sa version actuelle, le projet de loi C-45 présentement à l'étude au Sénat permet à une personne d'avoir jusqu'à quatre plants de marijuana. Le gouvernement du Québec s'oppose farouchement à cette idée. Mais tout indique que les sénateurs vont proposer plusieurs amendements, pavant la voie à un bras de fer entre le gouvernement Trudeau et le Sénat sur la légalisation du cannabis.

«On continue de travailler avec les provinces sur leurs responsabilités par rapport au régime qui sera mis en place.  Mais soyons très clairs. Notre décision de permettre un nombre limité de production à domicile de plantes de marijuana est basée sur les faits, sur les données, sur les recommandations d'experts. C'est pour créer un système qui va remplacer les aspects criminels qui font des profits sur cette vente de marijuana. L'approche qu'on a préconisée et qu'on met de l'avant dans la loi fédérale c'est la bonne et c'est celle-ci qu'on va s'attendre à ce que les gens suivent», a dit le premier ministre.

À Québec, les propos du premier ministre Justin Trudeau ont été mal accueillis. «Je tiens à dire que la légalisation du cannabis, ce n'était pas notre choix de gouvernement mais celui de monsieur Trudeau. Maintenant, nous respectons le fait que c'est sa prérogative et de sa compétence», a réagi la ministre déléguée à la Santé publique, Lucie Charlebois.

«Une fois que cela est dit: monsieur Trudeau devrait respecter nos compétences à nous et les choix qui en découlent et respecter son propre Sénat qui a entrepris un travail important sur cette question», a-t-elle ajouté dans une déclaration écrite transmise par son bureau.     

Le projet de loi C-45 est actuellement à l'étape de l'étude en comité au Sénat, et l'objectif est de tenir le vote final le 7 juin. Justin Trudeau a maintenu jeudi qu'il gardait le cap sur l'objectif de légaliser la substance d'ici les prochaines semaines.

- Avec La Presse canadienne