On se réjouit, dans le camp d'Ensaf Haidar, que Justin Trudeau ait «enfin» pris le téléphone pour discuter du cas de Raïf Badawi avec le roi Salmane d'Arabie saoudite.

«Il était temps!», écrit dans une lettre ouverte l'essayiste Djemila Benhabib, coordonnatrice de la campagne internationale pour la libération de Raïf Badawi.

Mais le fait que le premier ministre et son bureau soient si avares de détails et refusent de préciser comment le monarque a réagi l'inquiète vivement.

Dans une lettre qu'elle a écrite «à la demande de Ensaf Haidar», elle suggère que Justin Trudeau était «davantage préoccupé par sa propre communication» en annonçant son entretien avec le roi.

Lors de cet échange, le premier ministre a «fait part de ses préoccupations importantes et constantes à l'égard de l'emprisonnement du défenseur des droits de la personne Raïf Badawi».

C'est ce qui figure dans le compte rendu transmis lundi par son bureau.

Un peu plus tôt cette semaine, au parlement, Justin Trudeau n'a pas répondu à la question d'une journaliste qui lui demandait comment le roi Salmane avait accueilli ses propos.

À son bureau, vendredi, on a dit n'avoir «rien à ajouter au-delà du sommaire».

Cette timidité choque Djemila Benhabib, qui était à Ottawa il y a quelques jours en compagnie d'Ensaf Haidar pour solliciter une rencontre avec Justin Trudeau - une démarche qui fut vaine.

Depuis ce moment, et dans la foulée de la conversation avec le roi Salmane, c'est silence radio, selon celle qui milite pour la libération du blogueur, qui croupit en prison depuis six ans.

«Personne du cabinet du premier ministre n'a cru bon de faire un suivi auprès d'elle pour l'entretenir de la nature des discussions et l'informer des démarches à venir», a dénoncé Mme Benhabib.

«C'est à se demander si tout ce boucan médiatique n'est pas qu'un simple exercice de relation publique», a-t-elle écrit dans une lettre transmise à La Presse canadienne, vendredi.

La femme de Raïf Badawi, qui est sous les verrous pour avoir critiqué le régime saoudien, a récemment demandé à Ottawa d'accorder au blogueur la citoyenneté canadienne honoraire.

Elle a aussi prié Justin Trudeau d'intervenir pour faire accélérer sa demande de citoyenneté canadienne ainsi que celle de ses trois enfants, avec qui elle habite à Sherbrooke depuis 2013.

Selon Ensaf Haidar, la première requête faciliterait la libération de son mari et la seconde l'aiderait, elle, à continuer à voyager à l'étranger pour plaider la cause du prisonnier politique sans tracasseries administratives.

Les deux sont jusqu'à présent restées lettre morte.

«Nous aurions pu penser que ces deux demandes ne sont que de simples formalités. Nous aurions espéré que le Canada accueille ces doléances sans jeu ni dérobade et offre à la famille les deux fameux sésames», a regretté Mme Benhabib dans sa missive.

«Nous nous serions même attendus que pour sauver le »libéral saoudien« le plus populaire de son temps, le »libéral canadien« aurait joué le tout pour le tout. Quel mal y a-t-il à offrir l'hospitalité à un Raïf Badawi?», ajoute l'essayiste et militante.

Au Québec, le gouvernement de Philippe Couillard a délivré en juin 2015 un certificat de sélection au nom de Raïf Badawi pour des motifs humanitaires.