Les ministres du gouvernement Trudeau saluent les débats de société que provoquent les militants libéraux en proposant des résolutions qui auraient pour effet de légaliser la prostitution au pays par exemple ou encore de décriminaliser la possession et la consommation de petites quantités de toutes les drogues.

S'ils se disent à l'écoute des militants, ils écartent toutefois l'idée d'en faire une priorité à la Chambre des communes, soutenant que ces questions doivent faire l'objet d'une évaluation approfondie et que le gouvernement Trudeau doit consacrer ses énergies à mener à bien d'autres dossiers, notamment la légalisation du cannabis à des fins récréatives.

Interrogée après que les militants libéraux eurent débattu de la résolution portant sur la décriminalisation des drogues illicites telles que la cocaïne et l'héroïne, vendredi, la ministre de la Santé Ginette Petitpas Taylor a dit apprécier les échanges entre les militants libéraux, mais que cette question ne fait pas partie des priorités du cabinet fédéral.

«Nous avons eu droit à des conversations robustes sur un grand nombre de résolutions. Je suis heureuse de voir que les libéraux sont ouverts d'esprit. Le premier ministre a toutefois fait clairement fait connaître sa position sur cette question », a indiqué la ministre de la Santé, faisant allusion à la fin de non-recevoir qu'a déjà opposé Justin Trudeau à l'idée de décriminaliser toutes les drogues.

Dans l'espoir de résoudre la crise des opioïdes, qui continue de faire des ravages dans les provinces de l'Ouest, le caucus national a proposé de s'inspirer du Portugal qui, en 2001, a décidé d'agir sur deux fronts pour combattre les méfais liés à l'abus de drogues. Le gouvernement portugais a augmenté de façon marquée les services de désintoxication et il a éliminé les sanctions pénales pour la possession et la consommation d'une faible quantité de drogues illicites en imposant des sanctions administratives à la place.

Mais la ministre Petitpas Taylor a souligné que la situation qui prévaut au Portugal n'est pas comparable à celle du Canada, où les provinces ont un rôle prépondérant dans le domaine de la santé. Le gouvernement fédéral ne peut donc pas agir seul dans ce dossier et sans tenir compte des préoccupations des provinces.

« Le Canada et le Portugal sont deux pays très différents. On ne doit pas oublier cela dans tout ce débat », a dit la ministre.

La ministre de la Justice, Jody Wilson-Raybould, a tenu un discours comparable quand elle a été interrogée au sujet de la légalisation de la prostitution au pays, telle que réclamée par la commission jeunesse des libéraux.

«Nous évaluons les impacts de la décriminalisation de la prostitution. (...) Je comprends bien, à la lumière des débats, que cette question provoque la division. Nous devons continuer à écouter les travailleuses du sexe sur cette question. Nous devons écouter les préoccupations des gens des deux côtés de ce débat « , a dit la ministre de la Justice.

Réunis en congrès jusqu'à samedi, les militants libéraux ont aussi débattu des résolutions visant créer un ministère des Aînés, à adopter un programme national d'assurance-médicaments, à mettre en chantier une Charte canadienne des droits environnementaux, à établir un modèle de revenu minimum garanti - des thèmes qui sont chers au NPD de Jagmeet Singh.

Les militants doivent se prononcer par vote électronique sur les 20 résolutions, parmi la trentaine qui ont été soumises, qu'ils souhaitent être incluses dans le programme électoral du parti. On connaîtra leur choix samedi.

Présent au congrès libéral, le chef parlementaire du NPD, Guy Caron, a soutenu que les libéraux adoptent souvent des propositions progressistes qui sont éventuellement larguées par le gouvernement libéral.

« Il y a beaucoup de résolution qui pourraient trouver leur place dans un congrès du NPD. On dit souvent que les libéraux vont clignoter à gauche, mais qu'ils vont gouverner à droite. C'est exactement ce que l'on voit.  Le meilleur exemple est la proposition sur le revenu minimum garanti. C'était une de mes idées de la course à la direction du NPD. J'étais au congrès libéral en 2012 comme observateur et les libéraux l'ont adopté comme concept. Ils l'ont adopté de nouveau en 2014. Mais en 2017, j'ai déposé une résolution au comité des finances pour étudier cette idée, et les libéraux ont voté contre. Ils présentent des idées prometteuses, mais c'est sans lendemain »,  a dit M. Caron.

« Les libéraux donnent la perception qu'ils sont progressistes. Mais c'est un parti de pouvoir et ils vont dire ce qu'ils ont besoin de dire pour prendre ou conserver le pouvoir », a-t-il ajouté.