Après l'Alberta lundi, la Saskatchewan a menacé à son tour de fermer le robinet du pétrole vers la Colombie-Britannique hier pour punir la province de son opposition à l'expansion de l'oléoduc Trans Mountain.

Dans un message au ton cassant sur Twitter, le premier ministre de la Saskatchewan, Scott Moe, a confirmé le dépôt imminent d'une loi pour restreindre les exportations d'or noir vers la province de l'ouest. « Si les réservoirs d'essence commencent à s'assécher en Colombie-Britannique parce que l'Alberta a fermé le robinet, ce ne sera pas la Saskatchewan qui va les remplir », a-t-il écrit hier matin.

La Colombie-Britannique se retrouve de plus en plus sous pression depuis l'annonce surprise de la société texane Kinder Morgan la semaine dernière. L'entreprise a suspendu jusqu'au 31 mai tous les investissements non essentiels sur son projet d'agrandissement de l'oléoduc Trans Mountain, qui relie les sables bitumineux de l'Alberta au port de Vancouver.

Le projet de 7,4 milliards, qui triplera la capacité de l'oléoduc existant, est considéré comme essentiel à la croissance économique de l'Alberta. Le gouvernement néo-démocrate de Rachel Notley a annoncé lundi l'adoption d'un projet de loi en première lecture qui devrait réduire nettement - et à court terme - les exportations de pétrole albertain vers la Colombie-Britannique.

La Saskatchewan exporte beaucoup moins de carburant que l'Alberta, mais le projet de loi annoncé hier par Scott Moe vise à augmenter la pression dans l'espoir de faire plier la province récalcitrante. Selon des calculs de l'agence Bloomberg, les mesures envisagées contre la Colombie-Britannique pourraient faire grimper le prix de l'essence de 30 cents le litre à la pompe, ce qui se traduirait par des dépenses supplémentaires annuelles de 500 $ en moyenne par ménage dans cette province.

À OTTAWA

La crise autour de Trans Mountain a continué à dominer les échanges hier à Ottawa. Le gouvernement Trudeau a promis de se battre jusqu'au bout pour permettre au projet d'aller de l'avant, ce qui pourrait inclure un investissement dans l'oléoduc, et le dépôt d'un projet de loi pour réaffirmer l'autorité fédérale dans ce domaine.

Talonné par l'opposition conservatrice, le ministre des Ressources naturelles Jim Carr a rejeté la responsabilité des « menaces » sur le gouvernement britanno-colombien pour « l'incertitude » qui plombe le projet. Il a répété la même ligne que tous les ministres du cabinet de Trudeau depuis plusieurs jours.

« Le premier ministre ne pourrait pas être plus clair : ce projet est bon pour le Canada, et il sera construit », a lancé Jim Carr, le visage empourpré.

Les propos sans équivoque du ministre n'ont pas convaincu le conservateur Gérard Deltell. « Le problème, c'est que le premier ministre du Canada ne croit pas et n'aime pas le pétrole canadien, a-t-il avancé. Il y a plus d'un an, il a dit : It's time to phase out, et qu'il faut réduire et anéantir le pétrole canadien. Quand on a un vendeur aussi mauvais que cela, pourquoi s'étonner du fait que ce projet n'avance pas ? »

HUILE SUR LE FEU

À l'opposé, les néo-démocrates ont dénoncé la trop grande fermeté du gouvernement Trudeau dans ce dossier, qui martèle que les projets énergétiques chevauchant plusieurs provinces sont de « responsabilité fédérale ».

« Au lieu de mettre de l'huile sur le feu, le gouvernement fédéral se doit de calmer le jeu », a fait valoir le leader parlementaire du NPD, Guy Caron.

Le néo-démocrate Romeo Saganash a pour sa part déploré le manque de respect d'Ottawa envers les Premières Nations, dont beaucoup s'opposent au projet de Kinder Morgan.

Photo Mark Taylor, Archives LA Presse canadienne

Le premier ministre de la Saskatchewan, Scott Moe