La chef du Bloc québécois, Martine Ouellet, menace de poursuivre Radio-Canada, l'animatrice Catherine Perrin et deux psychologues en raison d'un segment de l'émission Médium large où elle affirme qu'ils auraient laissé entendre qu'elle avait des problèmes de santé mentale.

Le 2 mars dernier, les psychologues Hubert Van Gisjeghem et Rose-Marie Charest ont été invités au micro de Catherine Perrin pour discuter de personnes dont la personnalité les mène à penser qu'elles ont toujours raison, peut-on lire dans la sommation formelle d'excuses que l'avocat de Martine Ouellet a acheminée à la société d'État. 

Selon ce document de Me Guy Bertrand, le segment de l'émission répondait à « une question qui, de toute évidence, visait notre cliente. » La Presse n'a pas été en mesure d'écouter l'extrait en question puisqu'il a depuis été retiré du site internet de Radio-Canada.  

« Ce qu'ils ont fait est très grave et dépasse complètement les limites. Du jamais vu ! Un chef de parti qui se fait diagnostiquer en ondes, c'est un dangereux précédent et une dérive inquiétante », a dit la chef bloquiste lors d'un point de presse formel dans les bureaux de son avocat, à Québec. 

« À partir de fausses prémisses, l'animatrice Catherine Perrin et deux psychologues ont développé un diagnostic catastrophique où ils laissent entendre que j'ai un problème de trouble de la personnalité. Les auditeurs pourraient comprendre que c'est un problème de santé mentale qu'ils qualifient de narcissisme, qui serait même, selon eux, incurable », a affirmé Mme Ouellet. 

« Je suis tout à fait en faveur de la liberté d'expression, mais il y a des limites (...) qui sont celles du respect, de l'intégrité de la personne, de la vie privée et de la dignité », a poursuivi Mme Ouellet, affirmant qu'elle avait eu « mal » en écoutant Médium large. La députée entend déposer une plainte à l'Ordre des psychologues « pour violation à leur Code de déontologie, au Code des professions et à la Loi médicale, notamment ».  

Radio-Canada réfute 

Quelques minutes après la fin de sa conférence de presse, Radio-Canada a réfuté les allégations de Martine Ouellet. M. Van Gisjeghem nous a pour sa part référé à son avocate, qui ne souhaite pas commenter le dossier, tout comme Rose-Marie Charest, qui nous a écrit qu'elle doit « s'abstenir de commenter ».    

Par communiqué, Radio-Canada a affirmé qu'elle considère que l'émission du 2 mars et le travail de son animatrice Catherine Perrin étaient appropriés lorsque deux psychologues réputés ont été invités à traiter de façon générale des traits de personnalité des gens convaincus d'avoir raison envers et contre tous. Selon le diffuseur, « cette entrevue se situait dans la foulée de la réaction de la chef du Bloc Québécois, Martine Ouellet, au coeur de la crise déchirant son parti ».

Radio-Canada précise que l'animatrice avait clairement établi d'entrée de jeu qu'il n'était pas question de Mme Ouellet comme tel, de sorte qu'il est faux de prétendre que la politicienne a été « diagnostiquée » en ondes, tel que reproché dans la conférence de presse de la chef du Bloc. La société d'État juge également que les propos de l'animatrice et la teneur du segment de l'émission « ont été fortement dénaturés dans cette conférence de presse ».

« Conformément au mandat et à l'esprit de Médium Large, cet entretien avec les psychologues consistait à proposer une réflexion à partir d'un fait d'actualité », lit-on dans le communiqué.

À la suite de la réception de la mise en demeure, le 3 avril, Radio-Canada dit avoir proposé à Me Bertrand de rappeler en ondes que la discussion ne portait pas sur Mme Ouellet, proposition qui n'aurait pas trouvé d'écho.

Une attaque contre les souverainistes 

Selon Martine Ouellet, l'émission Médium large a également attaqué l'ensemble des souverainistes dans son émission du 2 mars dernier en associant « tout le mouvement indépendantiste québécois à une idéologie fanatique, motivée par une foi aveugle ». 

L'avocat de Mme Ouellet, Guy Bertrand, fait ici référence au fait que les invités de Catherine Perrin auraient parlé du livre True Believer d'Éric Hoffer qui traite des « mouvements de masse qui ont répandu la haine et la destruction dont notamment le nazisme », lit-on dans la sommation d'excuses. 

« Vous saviez ou deviez savoir que jamais notre cliente et/ou le mouvement souverainiste québécois, qui a toujours respecté la démocratie et prôné une accession pacifique à l'indépendance, n'ont sombré dans les travers dénoncés par Hoffer », poursuit-on. 

Questionné par les journalistes, Me Guy Bertrand n'a pas exclu que les procédures contre Radio-Canada se poursuivent devant le Conseil de presse. 

Le mois dernier, Mme Ouellet avait expédié une mise en demeure, toujours par l'entremise de Me Bertrand, au Groupe TVA, à l'animateur de l'émission La Joute, Paul Larocque, et à ses chroniqueurs, Bernard Drainville, Caroline St-Hilaire et Luc Lavoie.

La chef du bloc exigeait une rétractation en ondes pour les propos jugés « diffamatoires » proférés à son sujet durant l'émission par les chroniqueurs.

- Avec La Presse canadienne