Mélanie Joly a tenté jeudi de défendre la pertinence du voyage qu'elle effectue ces jours-ci en Corée du Sud, après avoir été l'objet de plusieurs critiques sur l'utilité réelle de cette mission.

La ministre du Patrimoine canadien est à Séoul depuis mercredi pour en apprendre davantage sur la «K-pop» et sur les stratégies mises en place par l'État coréen afin de stimuler les exportations culturelles. La K-pop a connu une explosion mondiale de popularité en 2012 avec la chanson à succès Gangnam Style.

Ce voyage de Mélanie Joly précède une mission commerciale officielle en Chine, qui débutera lundi prochain. Or, selon une note interne obtenue en vertu de la Loi sur l'accès à l'information par Le Journal de Montréal, les fonctionnaires de son ministère ne jugeaient pas pertinent son voyage à Séoul. 

Le document daté du 14 décembre recommande «que toute décision concernant une visite bilatérale soit reportée jusqu'à ce qu'une analyse plus complète du marché coréen et des opportunités commerciales potentielles pour les industries canadiennes puisse être achevée».

Utile, soutient Joly

Jointe à Séoul jeudi par La Presse, Mélanie Joly a fermement défendu l'utilité de son voyage. Elle soutient que sa rencontre tenue quelques heures plus tôt avec le ministre coréen de la Culture Do Jonghwan a permis des avancées dans les pourparlers visant un traité de coproduction Chine-Corée, en télévision et en cinéma.

La ministre affirme en outre ne pas aller à l'encontre des recommandations de ses fonctionnaires et croit que ce dossier nage dans une certaine «confusion».

«Ce que mes fonctionnaires m'ont toujours dit, c'était la nécessité de venir en Corée pour comprendre le modèle coréen, a-t-elle avancé. On a toujours eu de bonnes conversations là-dessus, et d'ailleurs, c'est pour ça qu'on avait lancé des pourparlers sur le traité de coproduction (il y a un an).»

Mme Joly ajoute que sa mission sud-coréenne est «exploratoire», alors que son voyage en Chine la semaine prochaine avec une soixantaine d'entreprises canadiennes constituera une «vraie mission commerciale». Les coûts de ce voyage ne sont pas encore disponibles.

«Stratégie délibérée»

Selon Mélanie Joly, le modèle d'encadrement étatique de la culture mis en place par la Corée du Sud cadre tout droit avec la politique culturelle qu'elle veut mettre en place. 

La ministre a annoncé l'automne dernier un investissement de 125 millions de dollars sur cinq ans pour appuyer une «stratégie d'exportation pour les industries créatives». Elle avait aussi débloqué une enveloppe de 35 millions pour augmenter le rayonnement des artistes canadiens à l'échelle internationale.

«Ce qu'on a voulu faire en venant en Corée, c'est de comprendre leur propre stratégie d'exportation culturelle, a-t-elle dit. Le phénomène K-pop comprend non seulement la musique, mais aussi les jeux vidéo, l'animation, les films et la télévision. Ça fait partie d'une stratégie délibérée lancée par le gouvernement il y a une vingtaine d'années, axée sur l'exportation des contenus.»

Parmi les exemples coréens dont le Canada pourrait s'inspirer, Mélanie Joly souligne la mise en place de «stratégies de marketing international pour soutenir la marque coréenne». Elle mentionne aussi l'ouverture de plusieurs bureaux régionaux coréens partout dans le monde, ainsi que des investissements massifs effectués par Séoul dans des incubateurs de start-ups.

La ministre dit par ailleurs avoir fait la promotion du Canada comme lieu de tournage pour des productions coréennes dans chacune de ses rencontres à Séoul. Le tournage de la série Goblin à Québec a généré un boom de tourisme coréen dans la capitale, remarque-t-elle. 

Mélanie Joly et quatre hauts fonctionnaires de Patrimoine canadien sont arrivés le mercredi 4 avril à Séoul et partiront le 8 avril pour Shanghai. Elle aura eu une demi-douzaine de rencontres à Séoul, notamment avec l'ambassadeur du Canada en Corée, avec le ministre de la Culture coréen, ainsi qu'avec des représentants de diverses agences de divertissement et de promotion économique.

Agenda «post-it»

Le député conservateur Alain Rayes a qualifié de «ridicule» le voyage de la ministre à Séoul, estimant qu'il s'agissait là d'un gaspillage de deniers publics qui n'avancera en rien la cause de la culture canadienne.

«Son agenda tient sur un post-it, a-t-il lancé en entrevue. Ça s'additionne aux autres voyages catastrophiques des libéraux, comme celui en Inde ou en Chine.»

M. Rayes rappelle que Mélanie Joly était déjà passé outre une note interne de son ministère, dans le dossier Netflix cette fois. Ce document, obtenu par Le Devoir l'automne dernier, démontrait que Mme Joly n'avait pas écouté les conseils de son sous-ministre. 

Ce haut fonctionnaire l'avertissait que le fait de ne pas soumettre les géants numériques étrangers à la perception des taxes de vente constituait une iniquité envers les fournisseurs canadiens, un dossier qui s'est transformé en véritable boulet ces derniers mois pour les libéraux.

Le député néo-démocrate Pierre Nantel s'est quant à lui dit ravi que la ministre se rende finalement en Corée du Sud, lui qui avait remis un livre sur le sujet à la ministre il y a plus de deux ans.

«Il était temps qu'elle y aille, a-t-il lancé. Personnellement, je suis très heureux qu'elle aille voir le modèle sud-coréen. Mais ça aurait le fun qu'elle soit bien préparée, là, elle s'en va là pour trois ou quatre rencontres sur deux jours, ça apparaît peu.»

Selon des données du ministère canadien des Affaires étrangères, les exportations culturelles de la Corée du sud ont bondi de 29% entre 2012 et 2015, pour atteindre 6,1 milliards de dollars. La majeure partie de ces exportations - 64% - provient du secteur des jeux vidéo.