Martine Ouellet vit dans le « déni » et « l'aveuglement » face à la crise qui plombe son parti, martèlent ses opposants. La chef du Bloc québécois a proposé jeudi d'organiser un référendum sur la meilleure façon de promouvoir l'indépendance, mais elle a refusé dans la foulée la tenue d'un vote de confiance sur son leadership avant 2019.

Flanquée des trois députés restants du Bloc et de la vice-présidente du parti, Martine Ouellet a présenté jeudi une proposition « en trois étapes » dans l'espoir de dénouer l'impasse. Elle propose de devancer d'un mois - à la mi-avril - la tenue du prochain conseil général du Bloc, et veut suggérer à cette occasion une « consultation référendaire » auprès des 20 000 membres de la formation politique.

L'article 1 du programme du Bloc, adopté en 2014, prévoit que les élus du parti fassent la promotion de l'indépendance « sur toutes les tribunes », a-t-elle rappelé. « Je considère que la promotion et la préparation de la République du Québec sont indissociables de la défense des intérêts du Québec. Un référendum sur cette question permettra de vider la question une fois pour toutes. »

« Si les membres font un choix différent, c'est clair qu'on va s'asseoir au Bureau national pour voir comment les orientations du Bloc s'enlignent », a précisé Mme Ouellet en conférence de presse.

Sept députés excédés

La question de la meilleure stratégie à adopter pour promouvoir l'indépendance est au coeur de la crise qui ébranle le Bloc. Excédés par le caractère intransigeant et la vision « dogmatique » de Martine Ouellet, sept des dix élus du parti ont claqué la porte la semaine dernière pour siéger en tant qu'indépendants à Ottawa. Ils excluent tout retour au sein de la formation tant que Mme Ouellet sera à sa tête.

Les députés démissionnaires, parmi lesquels on compte le cofondateur du Bloc Louis Plamondon, croient que la meilleure façon de mettre en valeur le projet souverainiste est de défendre vigoureusement différents dossiers québécois à Ottawa. Martine Ouellet, à l'opposé, souhaite plutôt marteler les vertus de l'indépendance dès qu'elle prend la parole.

« Depuis plus d'une semaine, il nous apparaît clair que Mme Ouellet est dans le déni, rejette du revers de la main toute remise en question de son leadership et tente de nous discréditer en remettant en question nos convictions indépendantistes », ont déploré les sept démissionnaires dans un communiqué.

Les élus réaffirment leur foi souverainiste et soutiennent que « le débat actuel entre intérêts du Québec et promotion de l'indépendance est en train de sombrer dans le ridicule et ne sert ni le mouvement indépendantiste ni les Québécoises et les Québécois ». Ils disent maintenant vouloir se concentrer « sur les enjeux qui touchent la population ».

« Sectarisme » et « salissage »

Les appels à la démission de Martine Ouellet se multiplient depuis la semaine dernière, notamment de la part des anciens chefs bloquistes Gilles Duceppe et Daniel Paillé. Mme Ouellet s'accroche fermement et estime plutôt avoir été victime de « salissage » et de « calomnie ».

Le politologue André Lamoureux, chargé de cours au département de science politique de l'UQAM, juge « vraiment inapproprié » le refus de Martine Ouellet de se soumettre à un vote de confiance. « Si elle était sincère dans sa volonté d'affirmer sa légitimité, elle devrait consulter ses membres. »

M. Lamoureux, qui a lui-même été membre du Bloc de 2006 à 2010, déplore le virage pris par le parti depuis trois ans. « Les gens qui travaillaient au Bloc avant cela, ce n'était pas que des indépendantistes radicaux. Le Bloc visait à rassembler tout le monde : des indépendantistes modérés, des gens de la gauche québécoise, des fédéralistes déçus. »

Il qualifie de « sectarisme » la stratégie préconisée par Martine Ouellet et ses plus fervents alliés. « C'est une pensée magique, lance-t-il. Ce n'est pas parce qu'on répète constamment la nécessité de l'indépendance qu'elle va se réaliser. C'est une vision irréaliste et doctrinaire. »

Médiation

Pendant sa conférence de presse tenue dans les locaux du Bloc à Montréal, Martine Ouellet a réitéré la proposition qu'elle avait faite aux sept députés démissionnaires de recourir à la médiation pour tenter de résoudre le conflit. Le Bureau national du Bloc se réunira demain afin de discuter de « l'ensemble des modalités » proposées jeudi.