Bien que le gouvernement canadien n'ait pas augmenté ses investissements en aide internationale au cours des dernières années, la ministre du Développement international assure que le Canada joue un rôle de premier plan sur la scène internationale, qui va, selon elle, au-delà du financement.

« Ce n'est pas tout de faire un chèque, c'est tout notre savoir-faire, notre présence à la table, notre rôle de médiateur qui est tellement apprécié. Ça aussi, ça a une valeur », a plaidé Marie-Claude Bibeau, samedi, lors d'une entrevue téléphonique depuis le Sénégal.

Mme Bibeau est en tournée en Afrique de l'Ouest, où elle est allée rencontrer des représentants humanitaires, politiques et économiques, en insistant particulièrement sur la cause des femmes, pierre angulaire de la nouvelle politique du ministère. La ministre doit se rendre ensuite au Bénin, puis au Nigeria.

Plus de deux ans après l'élection de Justin Trudeau, certains organismes s'inquiètent du manque de ressources dont elles disposent pour mettre en oeuvre la politique féministe qu'a annoncée la ministre Bibeau en juin dernier. Lors de son annonce, l'Association québécoise des organismes de coopération internationale s'était désolée que le budget « déjà insuffisant » alloué à l'aide internationale ne soit pas augmenté.

Or, selon Marie-Claude Bibeau, le Canada contribue à faire avancer ces enjeux par d'autres moyens que le financement. Le Canada veut « miser sur son rôle de leadership » pour attirer plus de bailleurs de fonds du secteur privé, a-t-elle ajouté.

« Encore aujourd'hui, il y a quelques minutes, on me disait à quel point le Canada était de retour, a-t-elle soutenu. On fait une différence, et ça, je me le fais dire régulièrement. »

Elle n'a pas voulu révéler pour l'instant si l'enveloppe d'aide internationale sera bonifiée dans le prochain budget.

François Audet, Directeur de l'Observatoire canadien sur les crises et l'action humanitaire à l'UQAM, trouve que la politique internationale du Canada « manque de mordant ».

« Les organisations non gouvernementales canadiennes (ONG) ont été extrêmement mises à l'écart pendant la période des conservateurs, donc là il y a un retour, quand même, du dialogue, mais ça ne se concrétise pas en financement », a-t-il soutenu.

« Si vous avez une politique et vous n'avez pas de mordant, vous ne permettez pas à vos partenaires à vos ONG d'avoir du financement pour pouvoir porter des actions concrètes à ce niveau-là, la politique ne sert pas à grand-chose. »

Selon M. Audet, le Canada adopte une attitude « molle » de peur de froisser les États-Unis en période de négociation commerciale.

Le chercheur reconnaît que le Canada présente une politique plus progressiste que les États-Unis, notamment sur le droit à l'avortement, mais selon lui il pourrait aller plus loin. Le gouvernement Trudeau a annoncé l'an dernier qu'il contribuerait à une initiative internationale qui vise à contrer le désengagement américain sur ce front.

Casques bleus

M. Audet déplore également l'engagement du gouvernement sur l'envoi de Casques bleus, qui est bien différent de ce qui avait été annoncé en août 2016. À l'époque, les libéraux s'étaient engagés à offrir aux Nations unies jusqu'à 600 militaires et 150 policiers pour de futures missions.

En novembre, le gouvernement Trudeau a finalement annoncé qu'il fournirait des hélicoptères, des avions de transport, une force d'intervention rapide de 200 militaires et des dizaines d'instructeurs.

La Presse canadienne révélait par ailleurs vendredi que le nombre de Casques bleus canadiens avait maintenant atteint un creux historique.

La ministre Bibeau indique que le gouvernement a pris sa décision selon « nos ressources humaines et nos compétences particulières, notamment dans la formation ».

« C'est normal que ça prenne quelques mois avant de prendre forme et avant que ça se conclue, pour voir où on envoie les troupes et les équipements. C'est juste une question de temps », a-t-elle indiqué.

Bibeau invite les Canadiens à la générosité

En cette semaine du développement international, la ministre Bibeau a par ailleurs fait un appel à la générosité chez les Canadiens, qui ont intérêt à appuyer les autres pays, selon elle.

En aidant les pays à renforcer leur système de santé, par exemple, on s'assure que ces derniers auront les reins assez solides pour affronter des épidémies comme celle de l'Ebola, qui risqueraient moins de menacer le Canada.

« Il faut faire notre part par générosité, par compassion, mais aussi par intérêt pour la paix, la sécurité dans le monde et la santé mondiale », a-t-elle affirmé.

Les Québécois et Canadiens sont généralement moins généreux que leurs vis-à-vis dans les autres pays, car ils ont l'impression que les enjeux mondiaux ne les touchent pas, a expliqué François Audet.

« C'est sûr que le Canada n'a pas la même position que les pays d'Europe, ou même que les États-Unis avec la frontière mexicaine et la population latino-américaine qui veut migrer vers les États-Unis », a-t-il illustré.

Mais cela pourrait finir par les rattraper, prévient-il.

« Ce qu'on a vu dans les dernières années, avec les migrants qui arrivaient à la frontière canadienne, c'est un processus qui va se maintenir, qui devrait même continuer à augmenter », a-t-il indiqué.