Le Sénat ne doit pas sombrer dans de petits jeux politiques pour empêcher l'inévitable - la légalisation de la marijuana à des fins récréatives, tel que le prévoit le projet de loi C-45 mis de l'avant par le gouvernement Trudeau, estime le sénateur indépendant André Pratte.

Alors que les provinces mettent déjà les bouchées doubles pour respecter l'échéancier du début juillet pour l'entrée en vigueur de cette mesure, le Sénat ne peut jouer les trouble-fête en reportant indûment l'adoption de ce projet de loi, a soutenu M. Pratte dans une entrevue mercredi à La Presse.

Selon lui, le Sénat dispose de suffisamment de temps - cinq mois - pour passer au peigne fin le projet de Loi C-45 et l'adopter d'ici la fin juin. À titre de comparaison, le Sénat a mis environ deux mois et demi pour faire l'étude du projet de loi sur l'aide médicale à mourir, un sujet tout aussi délicat.

« Objectivement, il n'y a aucun doute que nous avons le temps de l'adopter avant la fin juin. Nous avons cinq mois devant nous. C'est un projet de loi qui est très important. C'est amplement suffisant pour faire une étude très sérieuse, entendre des témoins, proposer des amendements à ce projet, sans problème», a affirmé M. Pratte.

Il a toutefois convenu que les sénateurs conservateurs, qui sont contre cette mesure, pourraient tenter de ralentir les travaux du Sénat.

«Ils pourraient utiliser certains outils de procédure pour en retarder l'adoption. Mais je suis d'avis qu'il est préférable d'adopter le projet de loi avant l'été que d'attendre et de retarder cela pendant des mois et des mois. Cela risque de créer de la confusion plus que d'autre chose. Le Sénat va finir par l'adopter le projet de loi. Il est inévitable que le cannabis va être légalisé au Canada. Qu'est-ce que ça va donner de retarder cela pendant de trois, quatre ou cinq mois. Les provinces, on le voit maintenant, vont être prêtes »,  a ajouté le sénateur indépendant.

À la reprise des travaux du Sénat, mardi, M. Pratte a relancé le débat sur le projet de loi C-45, adopté par la Chambre des communes par un vote de 200 à 82. Durant son discours, M. Pratte a plaidé pour que le Sénat s'active pour respecter l'échéancier du début juillet.

« Certains disent que le présent gouvernement agit trop vite dans ce dossier. Au contraire, le gouvernement du Canada, tous partis confondus, a agi trop tardivement. Il a laissé perdurer pendant des années une situation risquée pour la santé des jeunes Canadiens et pour la sécurité publique. En effet, cela fait des années qu'au moins un quart des jeunes Canadiens âgés de 15 à 24 ans fument de la marijuana sans savoir avec certitude quels produits ils aspirent dans leurs poumons. Plusieurs d'entre eux croient que ce produit n'a aucun impact à long terme sur leur santé ni aucun effet sur leur capacité à conduire une automobile », a-t-il notamment déclaré dans son discours.

« Cela fait un demi-siècle que les gouvernements et les corps policiers du pays ont pour principale politique de pourchasser les trafiquants, les revendeurs et les consommateurs de cannabis. Or, quel impact ont eu ces centaines de milliers d'arrestations, d'avertissements, d'amendes et de peines de prison sur la consommation? Aucun impact. Zéro. Certains gouvernements provinciaux et certaines forces policières ont demandé à Ottawa de retarder la mise en vigueur de cette politique. Or, depuis que le gouvernement a annoncé l'échéance de juillet 2018, ces opposants se préparent depuis des mois et ont fait d'importants progrès », a-t-il aussi affirmé.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Le sénateur André Pratte.