Estimant avoir accompli le gros du travail pour permettre au gouvernement Trudeau de légaliser la marijuana à compter du 1er juillet 2018, et avoir à couvrir la majorité des coûts de sécurité et de santé à venir découlant de ce changement social majeur, les provinces réclament la part du lion des revenus provenant des taxes qui seront imposées sur la vente de cette drogue.

C'est du moins le message sans équivoque qu'entendent livrer les ministres des Finances des provinces dès ce soir à leur homologue fédéral, le ministre Bill Morneau, durant leur rencontre de deux jours à Ottawa. Cette rencontre vise à faire le point sur l'état de santé de l'économie canadienne et à discuter de plusieurs dossiers en suspens, dont le partage entre les deux ordres de gouvernement des taxes qui seront imposées sur la vente de la marijuana.

Avant même de rencontrer le grand argentier du pays, les ministres des Finances des provinces ont pris soin de discuter abondamment de la formule de partage qui serait équitable entre Ottawa et les provinces, au cours des derniers jours, selon des informations obtenues par La Presse. Les provinces entendent faire front commun pour obtenir le maximum des revenus des taxes sur la marijuana.

« La proposition du gouvernement fédéral d'un partage égal des revenus tirés des taxes sur la marijuana est carrément inacceptable. Nous aimerions avoir 100 % des revenus des taxes. Mais nous sommes aussi réalistes. Il est évident que nous allons nous battre pour obtenir la part du lion », a indiqué à La Presse une source du gouvernement du Québec qui a requis l'anonymat parce qu'elle n'était pas autorisée à discuter publiquement de ce dossier.

Durant une conférence des premiers ministres à Ottawa, en octobre, le premier ministre Justin Trudeau avait proposé un partage 50/50 entre Ottawa et les provinces - proposition immédiatement rejetée par ses homologues provinciaux.

Pour l'heure, la stratégie des provinces est d'éviter d'avancer une formule précise, pour forcer Ottawa à ouvrir davantage son jeu durant la rencontre des ministres des Finances. Mais certaines provinces, dont le Nouveau-Brunswick, croient qu'un partage permettant aux provinces d'obtenir 80 % des revenus serait une formule équitable.

« Nous allons demander au gouvernement fédéral de nous dire quelles sont ses dépenses liées à la légalisation de la marijuana. Et nous allons pouvoir établir le partage en fonction de ses dépenses et en tenant compte des nôtres, qui seront plus importantes. »

- Source gouvernementale de Nouvelle-Écosse qui a requis l'anonymat

COUVRIR LES COÛTS

Au bureau du ministre des Finances du Québec, Carlos Leitão, on n'a pas voulu préciser la formule de partage qui serait acceptable. « Il est important de rappeler que le partage de la taxation du cannabis doit correspondre à la réalité des besoins des provinces. Il ne s'agit pas ici de partager des profits, mais de couvrir des coûts. La grande majorité des coûts incombent aux provinces. Il est donc indispensable que les provinces disposent de la juste part du champ fiscal pour couvrir ces coûts », a indiqué Audrey Cloutier, porte-parole de M. Leitão.

Les provinces ne sont pas les seules à réclamer une part des revenus qui seront tirés des taxes sur la vente du cannabis. Les municipalités estiment aussi avoir droit à au moins un tiers de ces revenus, étant donné les coûts des services policiers qui vont bondir à la suite de la légalisation de la marijuana. La Fédération canadienne des municipalités (FCM) a d'ailleurs réclamé d'avoir voix au chapitre dans les négociations.

Dans une lettre envoyée au ministre des Finances Bill Morneau, jeudi, la FCM a estimé que le fardeau financier annuel imposé aux gouvernements municipaux dans l'ensemble du pays oscillerait entre 210 millions et 335 millions de dollars en raison de la légalisation de la marijuana.

« Les municipalités sont des partenaires essentiels dans les efforts du gouvernement fédéral pour légaliser et réglementer le cannabis dans l'ensemble du Canada, a indiqué la présidente de la FCM, Jenny Gerbasi, qui est aussi mairesse suppléante de la ville de Winnipeg, dans la lettre à M. Morneau. La production, la vente et la consommation de cannabis à des fins non médicales se dérouleront dans nos villes, dans nos collectivités, et avec la législation proposée, ce seront les municipalités qui auront la tâche de préserver la sécurité des Canadiens et d'assurer qu'ils sont bien servis. »