Le gouvernement fédéral prévoit investir des milliards de dollars au cours des dix prochaines années avec l'aide des provinces pour aider les Canadiens à se loger, mais le Québec ne souscrira pas à cette nouvelle stratégie nationale.

«On ne se laissera pas imposer de conditions par le gouvernement fédéral», a lancé la ministre responsable de l'Habitation, Lise Thériault.

«Les priorités appartiennent au Québec, a-t-elle continué. On est capable de définir où on met nos priorités et présentement la priorité va à la rénovation du parc immobilier vieillissant.»

Le premier ministre Justin Trudeau et le ministre Jean-Yves Duclos ont dévoilé mercredi, simultanément à Toronto et à Vancouver, les détails de la nouvelle stratégie nationale sur le logement, qui était tant attendue. Ce sont les deux villes canadiennes où se loger coûte le plus cher.

Les libéraux cherchent ainsi à apaiser les préoccupations de Canadiens sur les prix en hausse dans le marché de l'immobilier.

«Pour beaucoup de gens, avoir accès à un logement sûr et stable était et est encore une source importante de stress et d'anxiété», a affirmé Justin Trudeau à l'occasion de la Journée nationale du logement.

La stratégie de 40 milliards $ en dix ans comprend les sommes du gouvernement fédéral, mais aussi le financement anticipé que les provinces et les territoires pourraient y accorder.

Les provinces devront investir des sommes équivalentes à celles qu'elles recevront si elles veulent obtenir leur part du gâteau.

Même s'il se réjouit de voir Ottawa réinvestir dans le logement abordable, le gouvernement du Québec avait déjà fait parvenir une lettre au ministre Jean-Yves Duclos au mois d'octobre pour réclamer le respect de son champ de compétence.

«Le gouvernement du Québec fait très bien en matière d'habitation communautaire, a rappelé Mme Thériault. La Société d'habitation du Québec, ça fait 50 ans qu'elle est sur le territoire.»

La ministre Thériault souhaite la négociation d'une entente bilatérale qui permettrait au Québec d'utiliser le financement fédéral pour la rénovation.

De l'argent, mais pas tout de suite

La stratégie fédérale prévoit une nouvelle allocation d'aide au logement à laquelle environ 300 000 familles dans le besoin auraient droit. Chaque ménage pourrait ainsi recevoir 2500 $ en moyenne à compter de 2020, donc après la prochaine élection fédérale.

Cette mesure coûterait en tout 4 milliards en incluant la participation des provinces et des territoires.

La somme la plus importante, 15,9 milliards, sera consacrée à un nouveau fonds pour réparer 240 000 logements communautaires et en construire 60 000 nouveaux.

La stratégie comprend également 9,1 milliards pour le maintien des 385 000 logements communautaires déjà existants. Les accords d'exploitation conclus avec les provinces arrivaient à échéance et des milliers de locataires risquaient de ne plus pouvoir acquitter les frais de leur loyer. Ottawa s'attend à ce que les provinces et les territoires contribuent 4,3 milliards.

«Il n'y a aucun maire, il n'y a aucun premier ministre provincial ou territorial qui ne croit pas que le logement est un défi fondamental que nous devons relever», a dit M. Trudeau.

Des données récentes du recensement indiquent que 1,7 million de ménages avaient des «besoins impérieux en matière de logement» en 2016, signifiant que ceux-ci ont dépensé plus du tiers de leurs revenus avant impôt pour un logement qui serait en deçà des normes ou ne répondrait pas à leurs besoins.

La moyenne pour les taux de besoins impérieux en matière de logement se situait à 12,7 % à l'échelle du pays en 2016, et à 15,3 % en Ontario. Au Québec, la moyenne est à 9 %.

«Les listes d'attentes sont très longues», a signalé la porte-parole néo-démocrate en matière de logement, Marjolaine Boutin-Sweet.

«À Montréal c'est 25 000 personnes, à Toronto c'est au moins 90 000 personnes, donc c'est vraiment une crise d'envergure.»

Le plan du gouvernement Trudeau est donc trop «timide» pour répondre réellement aux besoins, selon le Nouveau Parti démocratique.

«L'argent n'est pas là tout de suite, a remarqué Mme Boutin-Sweet. On a une crise en ce moment, alors nous on pense que des choses devraient être faites en ce moment.»

Le gouvernement veut faire les choses correctement, a justifié le premier ministre Trudeau, et c'est pourquoi la majeure partie des sommes ne seront pas dépensées avant la prochaine élection fédérale.

Bien que, d'une part, il se réjouisse, le Front d'action populaire pour le réaménagement urbain (FRAPRU) aurait souhaité la construction d'un plus grand nombre de logements sociaux.

«C'est très peu, s'est exclamée la porte-parole de l'organisme, Véronique Laflamme. On parle de 60 000 logements abordables en dix ans pour tout le Canada. Donc, par exemple, dans le cas du Québec, ça fait 1400 par année.»

Le gouvernement fédéral s'est également donné pour objectif de réduire de 50 % le nombre de personnes en situation d'itinérance chronique en y consacrant 2,2 milliards.

Il prévoit également déposer un projet de loi axé sur les droits de la personne pour s'assurer que tout gouvernement subséquent maintienne une stratégie nationale sur le logement.

Les Autochtones, qui ne sont pas touchés par l'annonce de mercredi, devront patienter jusqu'en 2018 avant d'obtenir leur propre stratégie pour le logement