Le gouvernement Trudeau se prépare à une deuxième vague de migrants désirant franchir la frontière canado-américaine de manière irrégulière dans la foulée des nouvelles directives en matière d'immigration données par les États-Unis.

Lundi, l'administration Trump a annoncé qu'elle ne renouvellerait pas le permis de résidence spécial aux États-Unis - le Temporary Protected Status (TPS) - pour environ 2500 ressortissants du Nicaragua qui se trouvent aux États-Unis depuis près de deux décennies. Ces ressortissants devront quitter les États-Unis dans un délai de 14 mois, soit au plus tard en janvier 2019.

Selon nos informations, les autorités américaines ont prévenu le gouvernement Trudeau de cette mesure afin qu'il puisse prendre les dispositions qu'il juge appropriées pour assurer la sécurité à la frontière. Le département américain de la Sécurité intérieure s'est engagé à donner un tel préavis au Canada à l'avenir, comme l'a réclamé le ministre de la Sécurité publique Ralph Goodale quand il a rencontré Elaine Duke, responsable par intérim du département de la Sécurité intérieure, à l'occasion d'une réunion ministérielle du G7 en Italie, le mois dernier.

L'administration Trump devra aussi prendre une décision sous peu concernant quelque 300 000 ressortissants d'Amérique centrale et d'Haïti qui bénéficient du même permis de résidence spécial depuis plusieurs années. Le chef de la diplomatie américaine Rex Tillerson a déjà informé le département de la Sécurité intérieure que ces ressortissants ne devraient plus avoir le droit de séjourner aux États-Unis, étant donné que les conditions économiques et sécuritaires dans leur pays respectif se sont améliorées et ne justifient donc pas le renouvellement de leur TPS.

Cette mesure risque de toucher 200 000 Salvadoriens, 57 000 Honduriens et aussi quelque 50 000 Haïtiens, selon le Washington Post.

« Nous demeurons vigilants et nous avons appris certaines leçons de la vague de demandeurs d'asile que nous avons eue cet été à Lacolle », a indiqué cette source à La Presse, hier.

Un blitz aux États-Unis

Cette source, qui s'exprimait sous le couvert de l'anonymat afin de pouvoir discuter plus librement de ce dossier, a aussi indiqué qu'un nouveau blitz serait lancé dans certaines régions aux États-Unis afin de contrer les fausses informations qui circulent au sein de ces diasporas selon lesquelles les migrants qui franchissent la frontière canado-américaine de manière illégale seront accueillis à bras ouverts par les autorités canadiennes.

Des députés libéraux devraient se rendre à nouveau à New York et en Floride au cours des prochaines semaines afin de rencontrer les membres de ces diasporas et les organisations pertinentes pour leur expliquer les règles canadiennes en matière d'immigration. En août, le député libéral Emmanuel Dubourg, qui parle créole, s'était rendu à Miami afin de dissuader les membres de la communauté haïtienne de prendre la route vers le Canada pour traverser la frontière de manière irrégulière. En septembre, le whip du gouvernement, Pablo Rodriguez, qui parle espagnol, avait fait la même chose à Los Angeles auprès des membres de la communauté hispanophone.

Au cours des dernières semaines, l'Agence des services frontaliers du Canada a fait installer des pancartes sur les divers chemins irréguliers empruntés par les migrants pour franchir la frontière, loin des postes frontaliers, pour les aviser qu'ils seront arrêtés sur-le-champ. « ARRÊTEZ. Il est illégal de passer la frontière ici ou ailleurs qu'à un point d'entrée. Vous serez arrêté et placé en détention si vous passez ici », est-il écrit sur ces pancartes du gouvernement du Canada.

Au plus fort de la vague, en juillet et août, entre 100 et 250 migrants ont franchi la frontière canado-américaine de manière irrégulière chaque jour afin de réclamer le statut de demandeur d'asile dans la région de Saint-Bernard-de-Lacolle. Il s'agissait alors en grande majorité de ressortissants d'Haïti. Des soldats des Forces armées canadiennes ont dû installer des campements temporaires afin d'héberger les nombreux migrants qui se pointaient à la frontière. D'autres ont été hébergés au Stade olympique.

À l'heure actuelle, le nombre de migrants qui essaient de fouler le sol canadien de cette manière varie entre 30 et 60 par jour. Mais ce chiffre pourrait bien bondir à nouveau au cours des prochaines semaines ou des prochains mois. Les autorités canadiennes ont d'ailleurs installé des unités d'hébergement chauffées, alors que le temps froid commence et que l'hiver approche.

Un meilleur contrôle sur les visas

Selon nos informations, le ministre de la Sécurité publique, Ralph Goodale, a insisté auprès de son homologue américaine, Elaine Duke, lorsqu'il s'est entretenu avec elle à la rencontre ministérielle du G7 en Italie, en octobre, que les États-Unis devaient exercer un meilleur contrôle sur les visas qu'ils délivrent à certains ressortissants, car environ 45 % des demandeurs d'asile qui sont entrés au Canada de manière irrégulière au cours des derniers mois s'étaient vu accorder un visa de séjour aux États-Unis.

« Outre les fausses informations qui circulent au sujet des règles canadiennes en matière d'immigration, c'est un problème auquel il faut s'attaquer. Et il faut la collaboration des autorités américaines pour y arriver » a indiqué une source gouvernementale.

Depuis la fin août, les membres du groupe de travail intergouvernemental spécial sur la migration irrégulière, présidé par le ministre des Transports Marc Garneau, se réunissent d'ailleurs toutes les deux semaines environ afin de faire le point sur cette question. Le groupe de travail comprend le ministre de la Sécurité publique Ralph Goodale, le ministre de l'Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté Ahmed Hussen, le ministre de la Défense nationale Harjit Singh Sajjan et le député de Bourassa, Emmanuel Dubourg. La ministre québécoise de l'Immigration, de la Diversité et de l'Inclusion, Kathleen Weil, et la ministre ontarienne de la Citoyenneté et le l'Immigration, Laura Albanese, en font aussi partie.