Le premier ministre Justin Trudeau s'est gardé lundi de commenter les allégations d'évitement fiscal qui pèsent sur son ami Stephen Bronfman, le responsable de la collecte de fonds du Parti libéral du Canada (PLC).

«Je vais laisser les individus concernés commenter leur propre situation», a-t-il dit alors qu'il était talonné par les conservateurs et les néo-démocrates lors de la période des questions.

Il a également évité de répondre aux questions des journalistes sur les liens entre M. Bronfman et le PLC à deux reprises lundi.

M. Bronfman et la société d'investissement appartenant à sa famille, Claridge inc., seraient liés à une fiducie dans les îles Caïmans qui se servirait de moyens douteux pour éviter de verser des millions de dollars à l'impôt, selon le Toronto Star et CBC/Radio Canada.

Ces deux médias font partie du Consortium international des journalistes d'investigation qui a obtenu quelque 13,4 millions de documents indiquant comment des personnes riches - dont plus de 3000 Canadiens - s'y prennent pour cacher leur argent dans des comptes à l'étranger pour éviter de payer de l'impôt.

Plus tôt dans la journée, la ministre du Revenu national, Diane Lebouthillier, et son collègue à la Famille, des Enfants et du Développement social, Jean-Yves Duclos, avaient également refusé de se prononcer sur «un cas particulier».

Dans un communiqué diffusé lundi, M. Bronfman écrit n'avoir «jamais financé ni utilisé de fiducies offshore». Il admet toutefois avoir fait un prêt commercial à la fiducie Kolber il y a plus de 25 ans remboursé en cinq mois et qui était conforme «à toutes les exigences légales, y compris en matière fiscale».

Cette fiducie est liée à l'ancien grand argentier du PLC, le sénateur Léo Kolber, et son fils Jonathan Kolber.

Les comptes dans les paradis fiscaux sont un moyen légal utilisé par des riches et des sociétés pour réduire leur fardeau fiscal. Toutefois, l'anonymat entourant certains de ces comptes porte des détracteurs à les associer à de l'évasion fiscale, au blanchiment d'argent et au crime organisé.

Politiques incohérentes

Les conservateurs accusent le gouvernement Trudeau d'avoir deux poids, deux mesures.

Le chef de l'opposition officielle, Andrew Scheer, lui reproche de cibler la classe moyenne avec sa réforme fiscale tout en évitant à ses amis d'éviter de payer de l'impôt au Canada.

«Le premier ministre a passé une partie de l'été et de l'automne à traiter les entrepreneurs locaux de fraudeurs fiscaux et les accusait d'utiliser des échappatoires pour sauver de l'impôt», a-t-il dénoncé en faisant allusion à la réforme fiscale du ministre Bill Morneau.

«Si les libéraux ne font rien dans la lutte contre les paradis fiscaux, est-ce que ce ne serait pas parce qu'ils protègent la famille libérale?», a pour sa part demandé le porte-parole néo-démocrate en matière de finances, Alexandre Boulerice.

«Je peux vous dire que l'Agence du revenu examine tous les liens avec des entités canadiennes et prendra toutes les mesures appropriées en ce qui concerne les Paradise Papers», a rétorqué M. Trudeau.

Il a ajouté que son gouvernement avait investi «des montants historiques pour lutter contre les fraudeurs de l'impôt», ce qui a mené au transfert de 627 cas aux enquêtes criminelles, 268 mandats de perquisition et 78 condamnations.

Mme Lebouthillier, qui s'est également attiré les foudres de l'opposition, a répété que l'ARC était sur le point de récupérer 25 milliards $ dans sa lutte contre l'évasion et l'évitement fiscal.

Jean Chrétien se défend

L'ex-premier ministre Jean Chrétien dément les informations contenues dans les documents, désormais appelés Paradise Papers, selon lesquelles il aurait détenu 100 000 options d'achats de Madagascar Oil Limited. Cette société serait enregistrée dans les Bermudes, selon CBC/Radio-Canada.

«Tout reportage qui suggère que j'ai, que j'ai eu ou que j'ai été associé de quelque façon que ce soit avec un compte offshore est faux», a-t-il déclaré dans un court communiqué.

M. Chrétien reconnaît avoir travaillé pour Madasgascar Oil en tant qu'avocat chez Heenan Blaikie. «Je n'ai jamais reçu d'options sur actions et je n'ai jamais eu un compte de banque en dehors du Canada», conclut-il.

L'ex-premier ministre Brian Mulroney, dont le nom apparaît également dans les Paradise Papers, a évité de répondre aux questions des journalistes en s'engouffrant dans une voiture.

Il était présent au parlement en compagnie des ex-premiers ministres John Turner, Joe Clark et Paul Martin, pour souligner le 150e anniversaire du premier jour de débat de la toute première législature canadienne.

Un document révèle que M. Mulroney siégeait au conseil d'administration de Saïd Holdings en 2004, une société privée enregistrée aux Bermudes.

Le nom de l'ex-premier ministre Paul Martin se retrouve également dans les documents. CBC/Radio-Canada rapporte l'existence d'une quinzaine de sociétés privées liées à Canada Steamship Lines, l'entreprise qu'il a longtemps dirigée. La majorité de ces sociétés seraient enregistrées aux Bermudes.