Les députés de l'opposition se sont lancés dans une véritable chasse aux sorcières lundi à Ottawa, afin de connaître l'identité de quatre ministres qui auraient recouru à un « échappatoire » du même type que celui utilisé par le ministre des Finances Bill Morneau.

Selon un article publié lundi par le Globe and Mail, des ministres libéraux ont profité d'une faille dans la Loi sur les conflits d'intérêts pour s'abstenir de placer certains actifs dans une fiducie sans droit de regard. Une situation similaire à celle qui place Bill Morneau dans un grave embarras depuis plusieurs jours.

Andrew Scheer, chef du Parti conservateur, a demandé au premier ministre Justin Trudeau à cinq reprises de révéler les noms des ministres impliqués, pendant la période des questions à la Chambre des communes. Sans succès.

« Le ministre des Finances a trouvé des échappatoires pour demeurer en contrôle de sa compagnie, a-t-il lancé. Maintenant, nous apprenons que d'autres ministres ont fait la même chose. La question est très simple: que le premier ministre nous dise qui sont ces autres ministres! »

Justin Trudeau a répété sensiblement la même réponse tout au long de la séance.

« Tous les députés en cette Chambre travaillent avec la commissaire (aux conflits d'intérêts et à l'éthique) pour s'assurer de suivre les règles et de répondre aux attentes de haut niveau des Canadiens, en ce qui a trait à nos fortunes personnelles, à nos acquis et à nos biens », a-il affirmé. 

« Nous allons toujours suivre les règles et les recommandations de la commissaire, tout comme l'ancien ministre des Finances conservateur a suivi les conseils de la commissaire en faisant la même chose que l'actuel ministre des Finances », a poursuivi le premier ministre.

Tempête éthique

Le gouvernement Trudeau navigue dans une tempête éthique depuis la publication de révélations sur son ministre des Finances Bill Morneau, qui est aussi actionnaire de la firme de gestion de fonds de retraite Morneau Shepell. Cette entreprise est l'une des plus importantes dans son secteur au Canada, avec une capitalisation boursière de 1,16 milliard de dollars et 20 000 clients.

M. Morneau a omis de placer ses actions de Morneau Shepell dans une fiducie sans droit de regard --et de divulguer ce fait--, au même moment où il préparait un projet de loi sur les prestations des régimes de retraite. Ses actions dans l'entreprise se sont appréciées de plusieurs millions de dollars depuis qu'il est entré en poste il y a deux ans. 

Il s'agit là d'un conflit d'intérêt sans équivoque pour l'opposition, qui accuse aussi le ministre de dissimuler des actifs dans une série de société à numéros dont il est actionnaire. Les révélations des derniers jours sont tellement sérieuses que Bill Morneau devrait se retirer, a lancé la chef du Bloc québécois, Martine Ouellet, en point de presse.

Devant l'ampleur de la controverse, Bill Morneau s'est engagé à donner à un organisme de charité les profits de plusieurs millions qu'il a réalisés avec ses actions de Morneau Shepell depuis son entrée en poste. Un aveu clair et net de culpabilité, selon ses détracteurs, ce que nie le ministre.

Sous la loupe

Dans l'immédiat, les nouvelles révélations publiées lundi sur quatre autres ministres de Justin Trudeau ont forcé plusieurs élus libéraux à défendre leur probité, à l'occasion d'une série de points de presse distincts. Le Globe and Mail parle de « moins de cinq » ministres impliqués dans son article, mais plusieurs députés de l'opposition ont affirmé lundi qu'« au moins » quatre ministres auraient profité du même « échappatoire » que Bill Morneau. Une source proche de Justin Trudeau affirme pour sa part que la situation toucherait seulement deux ministres.

Amarjeet Sohi, ministre de l'Infrastructure, a par exemple dû expliquer comment il se distancierait des décisions qui pourraient toucher un investissement détenu par sa femme. Celle-ci contrôle le tiers d'une société, qui possède le douzième d'une terre agricole en Alberta. M. Sohi s'est engagé à se ne pas se mêler de l'analyse de tout projet public qui pourrait toucher de près ou de loin ces terres, a-t-il déclaré aux journalistes.

François-Philippe Champagne a quant à lui affirmé respecter tous les critères imposés par la commissaire à l'éthique et a vendu toutes ses actions de sociétés publiques avant d'entrer en politique. Le ministre du Commerce international détient des intérêts dans les sociétés Tamaggo et Immervision et dans des propriétés locatives à Londres, selon le Commissariat aux conflits d'intérêts et à l'éthique. 

« Quand je suis entré en politiques, la première chose que j'ai faite c'est de remplir d'abord le questionnaire du commissaire à l'éthique, de lui faire part de tous mes actifs, de tout mon passif aussi et de suivre ses recommandations parce que c'est ça le processus », a déclaré M. Champagne.

La pression promet de continuer à s'intensifier tout au long de la semaine sur le cabinet de Justin Trudeau par rapport aux questions d'éthique. Le premier ministre qualifie « d'attaques personnelles » les sorties de l'opposition, et soutient qu'elles visent uniquement à détourner l'attention des réalisations de son gouvernement.