Les allégations de conflits d'intérêts ont continué à fuser contre le ministre des Finances Bill Morneau mercredi à Ottawa. L'opposition l'accuse maintenant de ne pas avoir déclaré que Morneau Shepell, l'entreprise qu'il a fondée, gère une partie du fonds de retraite de Bombardier.

Le problème, martèle l'opposition, est que le ministre détenait toujours des parts dans sa société au moment où Ottawa a offert une aide fédérale remboursable de 372,5 millions à Bombardier l'hiver dernier. Le premier ministre Justin Trudeau a dû passer une bonne partie de la période des questions à la Chambre des communes à tenter de défendre son ministre, sous les huées de l'opposition. 

« Le ministre des Finances s'est vanté dans les médias d'avoir participé aux discussions sur le sauvetage de Bombardier, a lancé le chef conservateur Andrew Scheer. On nous avait dit que ce sauvetage préserverait des emplois, mais on apprend que ces avions (de la C Series) seront maintenant construits en Alabama. On nous a dit que ça allait favoriser l'innovation, mais on apprend que ce sera contrôlé depuis l'Europe. Qu'en est-il des Canadiens? Ils sont pris avec la facture qui servira à financer, sauf Morneau Shepell, qui a des contrats avec Bombardier. »

M. Scheer a ensuite sommé le premier ministre de divulguer s'il savait que Bill Morneau avait un « intérêt personnel » dans la transaction avec Bombardier.

Sans répondre directement à la question, Justin Trudeau a répliqué que son gouvernement avait toujours défendu les travailleurs de l'aéronautique. Il a ajouté que l'acquisition d'une participation majoritaire de la C Series de Bombardier par Airbus, annoncée la semaine dernière, allait potentiellement créer de bons emplois à Mirabel et ailleurs au pays.

Ridicule, dit Morneau

Bill Morneau a balayé du revers de la main les allégations de conflit d'intérêts touchant Bombardier, mardi. Il a dit au Toronto Star qu'il était « bien sûr » au courant des discussions qui ont entouré l'octroi d'une aide remboursable de 372,5 millions à Bombardier en février dernier, mais estime qu'il n'avait pas à se récuser de ces pourparlers.

Morneau Shepell, l'un des plus grands administrateurs de régimes de retraite au pays, est responsable de certains fonds d'employés de Bombardier depuis plus d'une décennie, selon le quotidien torontois.

Bombardier n'a pas répondu aux questions de La Presse à ce sujet.

L'opposition tape le clou

La relation entre le ministre et son ancienne entreprise continue d'être au coeur des affrontements entre conservateurs, néo-démocrates et libéraux depuis le début de la semaine à Ottawa. 

L'opposition accuse Bill Morneau d'avoir menti en disant qu'il avait placé toutes ses actions de Morneau Shepell dans une fiducie sans droit de regard, et d'avoir profité personnellement de la nouvelle loi qu'il a promulguée sur la prestation des régimes de retraite. Il se serait ainsi enrichi de plusieurs millions pendant qu'il était ministre grâce à la plus-value sur ses actions de Morneau Shepell, avancent ses détracteurs.

Le néo-démocrate Guy Caron en a rajouté mercredi après-midi. 

« Si le ministre de la Défense nationale contrôlait une firme de vente d'armes, il serait en situation de conflit d'intérêts. Si la ministre de la Santé contrôlait une entreprise pharmaceutique, elle serait en situation de conflits d'intérêts, si le ministre des Ressources naturelles contrôlait une compagnie gazière ou pétrolière, il serait en situation de conflit d'intérêts. Cependant, directement ou indirectement, le ministre des Finances contrôle toujours Morneau Shepell, une entreprise spécialisée dans les fonds de retraite qu'il réglemente directement. »

Justin Trudeau a déploré « les insinuations trompeuses de l'opposition », qu'il qualifie de « tout simplement fausses ». 

« Il n'y a aucun conflit d'intérêts, le ministre a suivi tous les conseils de la commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique, notamment la création d'un écran qui, selon la commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique, constituait la mesure la plus efficace, a affirmé M. Trudeau. Le ministre a suivi les règles, il a respecté cet écran et va toujours le faire. »

Le NPD espère pouvoir forcer Bill Morneau, ainsi que la commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique, à témoigner devant le comité sur l'éthique.