Changements climatiques, logement abordable et précarité des emplois: ce sont les enjeux que Jagmeet Singh compte mettre de l'avant pour se faire connaître des Québécois et les convaincre de retourner vers le Nouveau Parti démocratique (NPD).

«Je vais envoyer le message que je suis quelqu'un qui partage les mêmes valeurs progressistes et que je suis quelqu'un qui peut être un allié pour s'attaquer à ces enjeux», a-t-il dit en entrevue à La Presse canadienne, quelques heures après sa victoire dimanche.

Le député de la législature ontarienne est devenu le huitième chef du NPD, devançant largement ses adversaires au premier tour en obtenant 53,8% du vote des militants.

Il a beau avoir surmonté un obstacle en devenant le premier chef de couleur d'un des principaux partis fédéraux, M. Singh demeure modeste face à la victoire.

«Je suis ici en ce moment à cause de beaucoup de gens qui ont brisé des obstacles dans leur vie, comme Rosemary Brown qui était la première Canadienne d'origine africaine à devenir membre d'une assemblée provinciale et Jenny Kwan, l'une des députées qui m'appuyait, qui était l'une des premières Canadiennes d'origine asiatique à être élue», a-t-il signalé.

«J'espère que ma position va maintenant être une inspiration pour les autres comme d'autres m'ont inspiré», a-t-il continué.

Sa candidature ne faisait pas l'unanimité au sein des députés du Québec. M. Singh, qui est de religion sikhe, porte le turban et le kirpan - un couteau cérémonial. Le député Pierre Nantel a notamment affirmé il y a quelques semaines que ces signes religieux étaient incompatibles avec ce que les Québécois désiraient voir chez leurs politiciens.

Jagmeet Singh se dit prêt à discuter avec M. Nantel même s'il est en désaccord avec sa vision des choses et il sera prêt aussi à répondre aux Québécois. «Je vais souligner que je suis comme tous les néo-démocrates, je suis quelqu'un qui croit qu'on doit avoir une séparation entre l'Église et l'État, a-t-il affirmé. C'est quelque chose de très important pour moi.»

Peu connu à l'extérieur de l'Ontario, Jagmeet Singh entend maintenant sillonner le pays pour aller à la rencontre des Canadiens.

«Je pense qu'on a choisi un chef qui est charismatique, qui a une très grande facilité à connecter (avec les gens) et il va avoir du travail pour se faire connaître de l'ensemble des Québécois comme de l'ensemble des Canadiens», a souligné le député Guy Caron, son rival durant la course.

À 38 ans, M. Singh est plus jeune que le premier ministre Justin Trudeau - qui a 45 ans - et a le même âge que le chef conservateur Andrew Scheer.

Pour lui, sa victoire à la direction du NPD marque le début de la prochaine campagne électorale fédérale même si le scrutin n'aura lieu qu'en 2019. Il veut regagner les électeurs progressistes déçus par les libéraux.

Dans son discours de victoire dimanche, il a déjà décoché une flèche aux libéraux en racontant les difficultés de sa famille à joindre les deux bouts après que son père fut tombé malade. M. Singh, alors étudiant, est devenu le pilier économique de sa famille.

«Peut-être que si vous considérez le fait de travailler comme un hobby, vous êtes capable de vous adapter à la précarité de votre emploi», a-t-il dénoncé en martelant que cette précarité est inacceptable.

«Je pense que Trudeau n'a jamais fait face aux mêmes expériences que bien des gens», a-t-il expliqué en entrevue.

«C'est la première fois dans l'histoire du pays que la prochaine génération a moins d'occasions de gagner un bon emploi que la précédente, a-t-il poursuivi. Donc, il est nécessaire que le premier ministre de notre pays ait vécu ces expériences pour s'attaquer à ces problèmes.»

Il veut prioriser quatre grands enjeux: les inégalités sociales, les changements climatiques, la réconciliation avec les peuples autochtones et la réforme électorale.

«Ce n'est pas en attaquant M. Trudeau (qu'il marquera des points). Il aura à convaincre les Canadiens de sa vision», a réagi le député libéral Marc Miller.

Jagmeet Singh démissionnera bientôt de son siège de député à la législature ontarienne. Il n'a pas l'intention de se précipiter pour remporter un siège sur la scène fédérale, mais ne ferme pas la porte à se présenter lors d'une élection partielle si la bonne occasion se présente.

Sur le référendum en Catalogne

«Pour moi, ce que le gouvernement en Espagne fait est complètement inacceptable», a répondu Jagmeet Singh à une question sur la fermeture forcée de bureau de vote par les autorités espagnoles lors du référendum en Catalogne dimanche.

«Je n'ai pas de mots pour dire à quel point je suis fâché que le gouvernement espagnol ait fait ça parce que tous les gens dans le monde ont le droit de décider de leur avenir.»

Il estime que le premier ministre Justin Trudeau, qui est demeuré silencieux sur cette question toute la journée, aurait dû réagir. «C'était sa responsabilité de dire quelque chose parce que (l'autodétermination) est vraiment un droit très important.»