Le gouvernement Trudeau ne peut demeurer les bras croisés pendant que l'industrie des journaux, « qui joue un rôle fondamental dans notre démocratie », se meurt à petit feu.

Tel est le cri du coeur lancé par trois acteurs importants de l'industrie des médias - le président du conseil des Médias d'Info Canada et éditeur du Winnipeg Free Press, Box Cox, le président du Forum des politiques publiques et ancien rédacteur en chef du quotidien The Globe and Mail, Edward Greenspon, et le président national d'Unifor, Jerry Dias, syndicat qui représente plusieurs travailleurs de l'information - dans une lettre ouverte publiée dans La Presse aujourd'hui.

Soulignant que le gouvernement fédéral a récemment versé près de 100 millions de dollars pour soutenir l'information locale à la télévision, les auteurs de la lettre se demandent pourquoi Ottawa a choisi de soutenir uniquement la télévision alors que la situation de la presse écrite se détériore à un rythme affolant depuis 2010.

« La situation est loin d'être rose, et elle continue d'empirer. De plus en plus d'emplois sont perdus dans les journaux. D'après nos calculs, un emploi sur trois a disparu depuis 2010 dans notre industrie. Les fermetures de journaux dans plus de 200 circonscriptions fédérales ont dénoué les liens sociaux tissés par la diffusion d'information, qui cimente véritablement ces collectivités », soulignent les auteurs de la lettre.

REVENUS PUBLICITAIRES

Le coeur du problème pour l'industrie des médias demeure la chute des revenus publicitaires. Les quotidiens canadiens ont en effet vu la moitié de leurs revenus de publicité - environ 1,5 milliard - fondre comme neige au soleil au cours de la dernière décennie. Pis encore, la majeure partie de ces revenus publicitaires a abouti dans les coffres de géants américains comme Google et Facebook, qui n'investissent pas dans le journalisme canadien.

Alors que la situation empire pour l'industrie des journaux, le phénomène des fausses nouvelles prend de l'ampleur, en particulier dans les médias sociaux, déplorent les auteurs de la lettre. « Inventer des nouvelles ou déformer des faits coûte une fraction de ce qu'il en coûte pour produire de la véritable information. Que ce soit pour des raisons commerciales, partisanes, idéologiques ou géopolitiques, les fausses nouvelles sont une agression directe contre notre démocratie », affirment-ils.

Il y a quelques mois, la ministre du Patrimoine canadien, Mélanie Joly, a indiqué qu'elle se penchait sur la situation difficile des médias, y compris celle de la presse écrite, mais elle n'a toujours pas annoncé de mesures pour soutenir l'industrie des journaux. Une porte-parole de Mme Joly, Christine Michaud, a indiqué à La Presse hier que la ministre dévoilerait sa vision « pour les industries créatives » au cours des prochaines semaines, sans toutefois donner plus de détails.

Mais pour les auteurs de la lettre, le temps presse, si l'on veut éviter une série de fermetures et une démocratie canadienne mal en point.

« Le temps est venu de se recentrer sur ce qui est important. Nos médias d'information ne doivent pas baisser. Nous voyons le rôle capital que jouent les grandes institutions médiatiques américaines, particulièrement le New York Times et le Washington Post, en continuant d'informer le public sur les grandes brèches qui s'ouvrent dans leur démocratie », soulignent-ils.