Alors qu'on souligne mercredi le 73e anniversaire du massacre de milliers de Roms à Auschwitz, la communauté rom espère toujours qu'Ottawa reconnaisse l'existence du génocide dont elle a été victime.

Justin Trudeau a été pressé cet été par le chef du Nouveau Parti démocratique, Thomas Mulcair, de reconnaître le génocide des Roms. Mais le Canada ne le reconnaît toujours pas officiellement. Alors qu'il était dans l'opposition, M. Trudeau s'était pourtant montré sensible à cette question.

« En cette Journée internationale des Roms, nous célébrons leur riche culture au Canada et leurs victoires contre la persécution », avait-il écrit sur Twitter le 8 avril 2013.

Selon l'organisme montréalais Romanipe, de 500 000 à 1,5 million de Roms ont été tués en Europe par le régime nazi pendant la Seconde Guerre mondiale.

« J'étais détenu à Auschwitz-Birkenau avec mon père et mon meilleur ami. [...] Un soir, j'ai entendu des bruits de camions, des cris, des pleurs », a raconté à La Presse Paul Herczeg, survivant de l'Holocauste et témoin du génocide des Roms.

« Curieux, j'ai regardé à travers un trou du mur de ma cellule, poursuit M. Herczeg, un homme d'origine polonaise qui vit maintenant à Montréal. Ils [les gardiens SS] ont forcé les familles roms à monter dans les camions de l'armée SS. »

M. Herczeg interrompt ici son récit, les larmes aux yeux. 

« Ça fait toujours mal d'y repenser. Cette scène a duré 45 minutes, mais on n'a pu regarder que 15-20 minutes parce que c'était trop douloureux [...]. On savait qu'ils allaient être gazés. Personne n'a survécu. »

Pendant cette soirée du 2 août 1944, 2897 Roms ont été gazés par le Troisième Reich, selon les chiffres de l'organisme Romanipe.

C'est parce qu'on les disait « gitans » ou « antisociaux » que les Roms ont été massivement massacrés - notamment à Auschwitz, où on estime qu'un tiers des personnes détenues étaient roms.

Guérison

Selon Audrey Licop, coordonnatrice, événements et communication, au Musée de l'Holocauste Montréal, la reconnaissance du génocide des Roms est une étape importante dans la guérison de ses victimes.

« Quand on fait le deuil, c'est le chemin de la guérison et le chemin pour refaire sa vie, c'est le chemin de la réparation, et il n'y a pas cela pour les communautés roms. C'est incroyablement injuste », indique-t-elle. Selon Mme Licop, les destins des communautés juive et rom sont « parallèles ». « Quand on traite l'histoire de l'Holocauste et du génocide des Juifs, on ne peut pas ne pas parler du génocide des Roms pendant la Seconde Guerre mondiale », explique-t-elle.

Dafina Savic, fondatrice de Romanipe, estime aussi que la reconnaissance permettra à la haine envers les Roms de ne pas être normalisée. « Aujourd'hui, [les Roms] sont l'une des minorités les plus persécutées [...]. La reconnaissance du génocide rom ne va pas mettre fin à cette situation, mais c'est définitivement une étape importante », explique-t-elle.

En 2015, le Parlement européen a proclamé le 2 août « Journée européenne de commémoration du génocide des Roms ». Ni le bureau de Justin Trudeau ni Affaires mondiales Canada ne nous ont rappelée pour faire connaître la position officielle du Canada sur la question.

Photo David Boily, La Presse

Paul Herczeg, survivant de l'Holocauste et témoin du génocide des Roms

Photo David Boily, La Presse

Audrey Licop, coordonnatrice, événements et communication, du Musée de l'Holocauste Montréal, et Dafina Savic, fondatrice de Romanipe