Le front commun bipartisan visant à défendre les intérêts canadiens dans les discussions de renégociation de l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) est mis à l'épreuve par la campagne menée de part et d'autre de la frontière par des conservateurs pour critiquer Justin Trudeau d'avoir versé Omar Khadr une compensation généreuse.

Certains cadres supérieurs du Parti libéral ont pris les réseaux sociaux, jeudi, pour accuser les conservateurs de nourrir un sentiment anti-Trudeau aux États-Unis alors que le Canada se prépare au lancement des négociations sur l'ALENA, le 16 août.

Le chef du parti conservateur, Andrew Scheer, n'a exprimé aucun remord, soutenant que le premier ministre Trudeau ne pouvait blâmer que lui-même si un contrecoup se manifestait au sud de la frontière canadienne après qu'il eut versé une compensation à l'ancien enfant soldat canadien.

M. Scheer a qualifié toute tentative des libéraux de faire un lien entre ce dossier et les pourparlers sur l'ALÉNA de tactique désespérée de la part du parti au pouvoir afin de «détourner l'attention» du noyau de l'affaire Khadr.

Omar Khadr, né au Canada, a été emprisonné à la prison de Guantanamo Bay, il y a 15 ans, alors qu'il était accusé d'avoir tué un soldat américain durant un combat survenu en pleine invasion américaine en Afghanistan.

Il n'était alors âgé que de 15 ans.

La Cour suprême du Canada a tranché, en 2010, que les autorités canadiennes avaient violé les droits de M. Khadr quand elles l'avaient interrogé dans le célèbre centre de détention en dépit du fait qu'il était mineur, qu'il n'avait aucun représentant juridique et qu'il avait été torturé.

M. Khadr avait lancé une poursuite contre le gouvernement canadien, réclamant 20 millions $. L'affaire a été réglée hors cour, plus tôt ce mois-ci, avec le versement de 10,5 millions de dollars - montant rapporté par plusieurs médias.

Plusieurs députés conservateurs ont alors investi les ondes et les journaux américains pour dénoncer un tel versement.

Jeudi, le premier ministre Trudeau n'a pas fait de lien direct entre cette question et celle entourant l'ALÉNA lorsqu'interrogé à savoir si de tels efforts déployés aux États-Unis minaient la préparation du Canada en vue des discussions à venir sur le libre-échange.

Les pourparlers en matière de commerce sont «trop importants pour tomber dans la partisanerie», a-t-il dit en conférence de presse à Barrie, en Ontario.

Réunion parlementaire

De son côté, le Nouveau Parti démocratique a exprimé son souhait que le premier ministre Justin Trudeau comparaisse à l'occasion de la réunion d'urgence du comité parlementaire sur le commerce international afin de dévoiler quelles seront les priorités de son gouvernement au cours des négociations sur l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA).

La porte-parole du parti en matière de commerce international, Tracey Ramsey, a dit que ses collègues et elle étaient ravis d'avoir entendu M. Trudeau dire qu'il serait heureux de discuter de ce sujet avec les partis de l'opposition.

Les négociations doivent s'amorcer le 16 août. Conformément à la loi américaine, l'administration Trump a déposé cette semaine la liste de ses objectifs. Les États-Unis veulent notamment un meilleur accès pour leurs exportations en agriculture, incluant les produits laitiers, le vin et les grains.

Le gouvernement canadien n'est pas obligé de dévoiler ses objectifs. Les députés de l'opposition exigent plus de transparence dans ce dossier et tenteront d'obtenir plus de renseignements au cours de la réunion de vendredi.

Des convocations ont été envoyées à la ministre des Affaires étrangères, Chrystia Freeland, au ministre des Finances, Bill Morneau, et au ministre du Commerce international, François-Philippe Champagne.

Un porte-parole de Mme Freeland a indiqué que la ministre avait accepté l'invitation.

«Nous discutons avec le comité afin de confirmer une date le plus tôt possible», a dit Adam Austen, dans un courriel.

Le NPD veut ajouter le nom de Justin Trudeau à la liste des témoins.

PHOTO Sean Kilpatrick, LA PRESSE CANADIENNE

Le chef du Parti conservateur, Andrew Scheer