Andrew Scheer n'a pas remporté de majorité au Québec, mais il doit tout de même une fière chandelle aux membres du Parti conservateur de la province. Une analyse menée par La Presse montre que le Québec a eu une influence considérable sur sa victoire, en particulier dans les régions, où il a fait le plein d'appuis, souvent plus que dans sa propre province, la Saskatchewan.

LES APPUIS LES PLUS IMPORTANTS OBTENUS AU QUÉBEC

Des dix majorités les plus importantes obtenues par Andrew Scheer à travers le Canada, sept l'ont été dans des circonscriptions du Québec. En fait, après sa propre circonscription, Regina-Qu'Appelle, en Saskatchewan, c'est une circonscription québécoise qui arrive au deuxième rang : celle de Richmond-Arthabaska, représentée par le député conservateur Alain Rayes, qui a activement contribué à sa campagne (M. Scheer y a obtenu respectivement 89,54 % et 89,06 % des appuis au dernier tour). Dans la même veine, de ses 25 majorités les plus importantes au Canada, près de la moitié (11) provenaient du Québec, comparativement à huit de la Saskatchewan, quatre de la Colombie-Britannique et deux de l'Île-du-Prince-Édouard.

DES GAINS À L'EXTÉRIEUR DES GRANDS CENTRES

Pour mener cette analyse, La Presse a téléchargé l'ensemble des données publiées sur le site des conservateurs dans un fichier Excel de près de 6000 lignes. Autre constat : sur les 31 circonscriptions du Québec où Andrew Scheer a obtenu plus de 50 % des votes au dernier tour, une seule se trouve dans l'une des grandes villes de la province. Il s'agit de Lac-Saint-Louis, dans l'ouest de l'île de Montréal, où il a obtenu un score de 54 %. La vaste majorité de ses victoires au Québec ont été remportées à l'extérieur des grands centres et dans des circonscriptions des régions comme Berthier-Maskinongé ou même la Beauce, représentée par Maxime Bernier à la Chambre des communes. M. Bernier, à l'inverse, a fait le plein d'appuis dans des centres urbains et dans les banlieues. À Montréal, par exemple, il a raflé 17 des 18 circonscriptions, et il a balayé la ville de Québec.

MANQUE D'APPUIS DANS LE ROC POUR BERNIER

Maxime Bernier devait compenser la perte potentielle d'appuis dans les régions par des gains substantiels dans les grands centres et à l'extérieur du Québec, où il espérait notamment attirer les partisans de l'homme d'affaires Kevin O'Leary. Mais ces appuis ne se sont pas matérialisés autant qu'il l'aurait souhaité : de ses 30 majorités les plus importantes au dernier tour, seulement trois provenaient de circonscriptions de l'extérieur de la province francophone, soit le Nunavut, Calgary-Centre et Vancouver-Centre. Au final, il n'a obtenu plus de 50 % du vote que dans 112 circonscriptions du ROC, comparativement à 146 pour Andrew Scheer. Ce dernier a de plus eu le dessus dans plus de la moitié des 121 circonscriptions de l'Ontario, en partie grâce aux appuis de la droite sociale, qui l'a préféré à Maxime Bernier lors des derniers tours de scrutin.

L'IMPACT DE LA GESTION DE L'OFFRE

Par ailleurs, la mobilisation promise par les agriculteurs furieux contre la promesse de Maxime Bernier d'abolir la gestion de l'offre semble bel et bien s'être traduite en votes : les 10 circonscriptions du Québec où le nouveau chef a eu le plus d'appuis regroupent aussi près de 60 % des producteurs laitiers. Et sur les 30 majorités les plus importantes dans la province, 12 reviennent à M. Scheer, et à elles seules, ces circonscriptions abritent près de 75 % des producteurs de lait du Québec. Ces majorités n'incluent pas la Beauce, région très agricole et circonscription de Maxime Bernier, où Andrew Scheer a récolté 51 % des voix et où, selon une compilation publiée par CBC, le taux de participation a été de loin le plus élevé dans la province. Il faut dire que le gros de la fronde contre sa position venait de la Beauce, et l'un des meneurs du mouvement, l'agriculteur Jacques Roy, s'est dit agréablement surpris de l'issue du scrutin.

QUELQUES DIZAINES DE VOTES DU QUÉBEC

Autre facteur décisif dans la course, selon une compilation publiée par CBC : le fait que plusieurs circonscriptions, notamment au Québec, ne comptaient qu'une poignée de membres. Selon ces données, que le Parti conservateur n'a pas voulu authentifier, moins de 100 votes ont été enregistrés au premier tour dans 43 des 78 circonscriptions de la province. Au dernier tour, Maxime Bernier a remporté la course dans une trentaine de ces circonscriptions moins populaires. Ainsi, dans un système où chaque circonscription avait un poids proportionnel de 100 points, quelques dizaines de votes de plus pour M. Bernier dans certaines de ces circonscriptions clés auraient pu aujourd'hui donner au Parti conservateur un tout autre visage.

- Avec Thomas de Lorimier, La Presse

PHOTO MARK BLINCH, REUTERS

Andrew Scheer a fait le plein d'appuis dans les régions.