Le Commissariat aux langues officielles confirme avoir reçu non pas une, mais deux plaintes concernant la nomination de Madeleine Meilleur au poste de commissaire aux langues officielles.

Le Nouveau Parti démocratique (NPD) a déjà manifesté publiquement qu'il était l'auteur d'une de ces plaintes. On ignore qui a déposé la seconde puisque cette information est confidentielle.

Le NPD estime que l'ex-ministre libérale du gouvernement ontarien est en conflit d'intérêts et qu'elle ne pourra pas «assurer la défense des droits linguistiques avec impartialité».

Madeleine Meilleur a reconnu la semaine dernière qu'elle avait contacté Gerald Butts et Katie Telford, deux membres influents de la garde rapprochée du premier ministre Justin Trudeau, afin de signaler son intérêt pour l'emploi. Cet aveu a fait bondir les partis d'opposition et certains candidats qui ont fait partie du processus de sélection.

Le NPD soutient qu'une telle proximité «pourrait l'amener à défendre les intérêts du gouvernement libéral au lieu de défendre les langues officielles».

«Si elle refusait une plainte, j'aurais toujours un doute, les citoyens du Canada aussi et les communautés de langues officielles aussi», a affirmé en entrevue le porte-parole du NPD en la matière, François Choquette.

Il estime que cette nomination partisane contrevient à la Loi sur les langues officielles puisque le gouvernement n'a pas consulté les partis d'opposition reconnus avant d'arrêter son choix.

«Le processus de nomination n'a pas été fait selon les règles, a soutenu François Choquette. Il n'y a pas eu de consultation, il y a seulement eu un avis.»

Dans un courriel envoyé plus tôt cette semaine, le porte-parole de la ministre du Patrimoine canadien, Mélanie Joly, a écrit qu'«une fois son choix arrêté», celle-ci avait «consulté les porte-parole des partis de l'opposition pour obtenir leurs commentaires».

Le président de la Chambre des communes, Geoff Regan, doit aussi se prononcer sur ce processus de consultation à la demande du NPD et du Parti conservateur.

Les partis d'opposition tentent de bloquer la nomination de Madeleine Meilleur en arguant qu'ils n'ont pas été consultés adéquatement tel que le requiert la Loi sur les langues officielles.

Recommencer à zéro

Parallèlement, le malaise des communautés francophones minoritaires face au choix de Madeleine Meilleur s'accentue.

La Société nationale de l'Acadie (SNA), qui regroupe quatre organismes, demande carrément au gouvernement de tout recommencer.

Elle veut également qu'un représentant des communautés francophones minoritaires fasse partie du comité de sélection pour le poste de commissaire aux langues officielles.

«Il y a une apparence importante de conflit d'intérêts et juste cette apparence-là pour un poste de cette envergure-là, je ne crois pas qu'on puisse passer par-dessus», a souligné le président de la Société de l'Acadie du Nouveau-Brunswick, Kevin Arseneau, l'un des organismes membres de la SNA.

«Il faut que ce genre de nomination-là soit acceptée de tous», a-t-il ajouté, en prenant la peine de souligner qu'il ne remet pas en cause les compétences de Madeleine Meilleur.

Sa désignation soulève la controverse depuis trois semaines, à un point tel que la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA), qui avait d'abord appuyé le choix du gouvernement, a demandé, vendredi, une rencontre «de toute urgence» avec le premier ministre Justin Trudeau.

«Il est plus important que jamais de clarifier de quelle manière le gouvernement prévoit protéger l'intégrité de la fonction de commissaire aux langues officielles», a fait savoir la FCFA par communiqué.

Le gouvernement propose plutôt à la FCFA de rencontrer la ministre Mélanie Joly au cours des prochains jours étant donné que le premier ministre est présentement à l'extérieur du pays.

Le gouvernement a jusqu'à maintenant défendu la nomination de Madeleine Meilleur en mettant de l'avant sa feuille de route en matière de défense des droits linguistiques des Franco-Ontariens.

Madeleine Meilleur a occupé plusieurs postes de ministre au sein des gouvernements libéraux de Dalton McGuinty et de Kathleen Wynne en Ontario de 2003 à 2016 avant de remettre sa démission il y a un peu moins d'un an.

Le Commissariat aux langues officielles étudie les deux plaintes qui doivent satisfaire à trois critères pour être recevables. D'abord, elles doivent viser une institution fédérale, porter sur un manquement à la loi et cibler un cas précis, a précisé son porte-parole.

Le Commissariat a souligné que la commissaire aux langues officielles par intérim, Ghislaine Saikaley, ne fera pas partie de l'analyse des deux plaintes si elles sont acceptées.