La ministre fédérale de la Justice, Jody Wilson-Raybould, soutient que les nouvelles dispositions législatives destinées à contrer la conduite automobile avec les facultés affaiblies ne violent pas la Charte canadienne des droits et libertés de la personne.

La ministre a déposé jeudi en Chambre un «énoncé concernant la Charte», dans lequel la procureure générale du Canada explique pourquoi, selon elle, le projet de loi C-46 est conforme à la Charte canadienne des droits et libertés. La procureure générale précise toutefois qu'un «énoncé» ne constitue pas un avis juridique sur la constitutionnalité d'un projet de loi - c'est la Cour suprême qui est garante de la Constitution.

En vertu des nouvelles mesures proposées par le gouvernement, les policiers pourraient demander un échantillon d'haleine à un conducteur intercepté même si ce conducteur n'était pas soupçonné de conduire en état d'ébriété. L'alcootest pratiqué sur la route ne pourrait cependant pas conduire à une accusation, mais ouvrirait la porte à une enquête plus poussée des policiers.

Or, la ministre Wilson-Raybould soutient que ces nouveaux pouvoirs accordés aux policiers respectent la Charte, notamment «le droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives», mais aussi «le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne».

«La Cour suprême du Canada a reconnu comme étant raisonnable le pouvoir, en vertu du droit provincial et de la «common law», des policiers d'arrêter des véhicules au hasard pour s'assurer que les conducteurs ont des immatriculations et des assurances, que le véhicule est en bon état de fonctionnement et que le conducteur n'est pas ivre», écrit la ministre.

«Les renseignements recueillis au moyen d'un échantillon d'haleine sont, à l'instar de la production d'un permis de conduire, simplement des renseignements permettant de savoir si un conducteur respecte l'une des conditions imposées dans le contexte hautement réglementé de la conduite.»

Et la marijuana

Le projet de loi C-46 prévoit aussi des peines plus sévères pour les conducteurs qui prennent le volant alors que leurs facultés sont affaiblies par l'alcool ou les drogues. Il a été déposé en Chambre il y a un mois, en même temps que le fameux projet de loi sur la légalisation de la marijuana à des fins récréatives. Le projet de loi permettrait d'ailleurs aux policiers de demander un échantillon de salive s'ils ont des motifs raisonnables de croire que le conducteur pourrait avoir consommé une drogue - odeur de pot, yeux rouges, discours décousu.

Le gouvernement espère aussi que le projet de loi C-46 permettra aux policiers d'identifier plus facilement les conducteurs qui devraient être soumis à un test de dépistage. «Étant donné que (le projet de loi) autoriserait un agent de police à faire une demande sans avoir à se poser la question de savoir si une personne a consommé de l'alcool, les conséquences découlant d'une telle erreur humaine seraient réduites», écrit la ministre.

Des études menées dans d'autres pays qui ont utilisé cette approche - notamment la France, la Belgique et les Pays-Bas - ont conclu à une «réduction mesurable du nombre d'accidents et de décès sur les routes», selon le gouvernement canadien.

Certains avocats criminalistes se demandent si le projet de loi «passera le test de la Charte». Anthony Moustacalis, président de l'Association des avocats criminalistes, craint que ces mesures n'ouvrent davantage encore la porte au profilage de minorités visibles par les policiers.

Robert Solomon, directeur national des politiques juridiques à l'organisme MADD Canada, qui lutte contre l'alcool au volant, rappelle quant à lui que les citoyens doivent déjà se prêter à des contrôles obligatoires pour monter à bord d'un avion ou franchir la frontière. Selon ce professeur de droit, il n'y a aucune raison pour que les citoyens ne soient pas soumis à un alcootest ou un test de dépistage de drogues dans le but de prévenir un risque beaucoup plus sérieux: l'alcool au volant.