La protection des sources journalistiques est maintenant dans le camp de la Chambre des communes.

Le Sénat a adopté à l'unanimité en troisième lecture, mardi soir, le projet de loi déposé en novembre dans la foulée du scandale sur la surveillance des journalistes qui avait secoué le Québec.

«Le projet de loi va justement empêcher ça en renversant le fardeau de la preuve et aussi en donnant une prépondérance aux journalistes plutôt qu'aux policiers dans certains cas», a expliqué le député conservateur Gérard Deltell, lui-même un ex-journaliste, qui parrainera le projet de loi aux Communes.

«J'espère que le gouvernement prendra les prochains jours pour étudier le projet de loi dans sa forme actuelle et faire en sorte de le faire progresser le plus rapidement possible», a ajouté son instigateur, le sénateur Claude Carignan.

Celui-ci a également souligné le travail effectué de façon non partisane par la chambre haute et a invité les parlementaires à en faire autant.

S'il est adopté par les parlementaires, le projet de loi S-231 transférerait la responsabilité d'étudier les demandes de mandats de perquisition visant des journalistes aux juges de la Cour supérieure. Cette responsabilité incombe présentement aux juges de paix.

Le projet de loi permettrait également de mieux protéger la confidentialité des sources journalistiques en modifiant la Loi sur la preuve. Une personne devrait ainsi démontrer au tribunal qu'il n'existe aucun «autre moyen raisonnable» de mettre en preuve un renseignement ou un document qui révélerait l'identité d'une source journalistique.

Cette personne devrait aussi prouver «que l'intérêt public dans l'administration de la justice l'emporte sur l'intérêt public à préserver la confidentialité de la source journalistique».

Gérard Deltell espère que le gouvernement libéral appuiera ces nouvelles mesures législatives.

«Il a été démontré hors de tout doute raisonnable qu'il y a une crise qui a secoué les médias alors qu'on a appris que des journalistes professionnels, rigoureux et reconnus étaient sur écoute pour aucune raison valable et ça, il faut mettre un frein à ça», a-t-il dit.

Ce projet de loi a été élaboré après qu'il eut été révélé, l'automne dernier, que la Sûreté du Québec avait espionné six journalistes dans le cadre d'une enquête en 2013.

En février, des représentants du «Globe and Mail», du «Toronto Star», de «La Presse», du «Devoir» et de Radio-Canada avaient affirmé à un comité du Sénat qu'ils souhaiteraient que le projet de loi permette aux journalistes ou à un avocat spécial de contester les demandes de mandat devant un juge.

Ils avaient soutenu que les mandats étaient trop souvent accordés sans questionnement par les juges, qui entendent seulement les observations de la police.

Le Canada est l'une des rares démocraties occidentales sans loi de protection pour les journalistes, et il faut remédier à cette situation, avait dit Michael Cooke, rédacteur en chef du Toronto Star.

Entre-temps, les révélations concernant la surveillance de journalistes a mené au Québec à la mise en place de la Commission Chamberland sur les sources journalistiques, dont les travaux ont récemment débuté.