Les patrons de multinationales peuvent bien se verser de faramineux bonis tout en licenciant des employés - sauf s'ils sont à la tête d'entreprises qui ont reçu une subvention de l'État. C'est la ligne dans le sable que trace Maxime Bernier, à titre de «libertarien raisonnable».

Le candidat à la direction du Parti conservateur rageait toujours contre les patrons de Bombardier, mardi après-midi, lorsque La Presse canadienne l'a reçu en entrevue pendant environ une heure dans ses bureaux d'Ottawa.

Il n'avait toujours pas digéré le fait que la multinationale eut consenti de généreuses primes à ses hauts dirigeants après avoir obtenu de l'aide financière tant en provenance de Québec que d'Ottawa - et annoncé la mise à pied de 14 500 employés d'ici la fin de 2018.

Et Maxime Bernier n'est aucunement impressionné par le pas en arrière qu'ont fait les patrons du fleuron québécois de l'aéronautique en reportant de 2019 à 2020 le versement de ces bonis, dimanche dernier, après avoir constaté l'ampleur de la grogne au sein de la population.

«C'est rire des gens! C'est l'argent des contribuables!», s'est-il insurgé.

«Bombardier prend l'argent des contribuables, et au lieu de dire je la prends cette semaine, ils disent je vais la prendre la semaine prochaine, puis ils pensent, avec ça, plaire aux Québécois et aux Canadiens», a enchaîné le député de Beauce.

Il s'agit au contraire d'une «insulte de plus» que viennent de servir à la population les chefs de la société sauvée de la faillite par une injection massive de fonds publics, dont 1,3 milliard $ en provenance des coffres de Québec et un prêt de 372,5 millions $ récemment consenti par Ottawa.

Maxime Bernier juge que la situation n'aurait pas été aussi choquante si on avait eu affaire à une compagnie privée. À l'heure où le discours dénonçant les élites est en vogue, il ne s'offusque pas de l'écart salarial entre les plus riches de la société et ceux qui peinent à joindre les deux bouts.

«Ils peuvent être rémunérés à la hauteur qu'ils veulent. Si les gens, sur le marché libre, décident de ces rémunérations, c'est correct», a insisté l'élu, plaidant que la seule chose qui est «injuste», c'est que des patrons s'enrichissent avec l'argent des contribuables.

Le candidat à la chefferie conservatrice retient comme seul aspect positif de l'affaire Bombardier le fait que «ça vient mettre dans l'actualité (sa) position d'abolir le B.S. corporatif», a-t-il plaidé lors de cet entretien en table ronde d'environ une heure.

Mais comme ministre de l'Industrie au sein du gouvernement conservateur, n'a-t-il pas lui-même accordé des subventions aux entreprises? Impossible pour Maxime Bernier de le nier. Aujourd'hui, il soutient qu'il l'a fait en se pinçant le nez, et en prenant toutes les précautions possibles.

«La seule chose que j'ai pu faire, ma stratégie, c'était «name and shame'. On a rendu public, sur le site internet d'Industrie Canada, l'argent que le fédéral a donné à ces corporations-là et les conditions de remboursement», a-t-il signalé.

Il accuse le gouvernement de Justin Trudeau d'avoir «caché» les conditions de remboursement du 372,5 millions en prêt à Bombardier «parce que ce n'est pas un vrai prêt, c'est une subvention». Si c'était «un vrai prêt, on saurait les conditions de remboursement», a dénoncé le Beauceron.

L'élu conservateur a rencontré La Presse canadienne mardi dans le cadre d'une série d'entretiens que l'agence réalise avec certains candidats à la direction du Parti conservateur. Le prochain chef de la formation sera élu le 27 mai à Toronto.