Le gouvernement fédéral allouera 650 millions en aide internationale pour la santé reproductive des femmes, y compris les services de contraception et d'avortement.

Le premier ministre Justin Trudeau a profité du 8 mars, Journée internationale des femmes, pour annoncer, en compagnie de sa ministre du Développement international, l'allocation de ces sommes qui s'étalera sur trois ans.

La ministre Marie-Claude Bibeau avait déjà annoncé une partie de cet argent - soit 20 millions - la semaine dernière, dans le cadre de l'initiative internationale qui vise à contrer le désengagement américain, à la suite du refus du président Donald Trump de financer l'avortement dans les pays en voie de développement.

Les 630 millions restants proviennent des budgets du ministère de Mme Bibeau, jusqu'en 2020.

L'argent ainsi alloué s'ajoute aux 3,5 milliards que le Canada a engagés de 2015 à 2020 pour améliorer la santé des mères, des nouveau-nés et des enfants.

La date de cette annonce importait à la ministre Bibeau. Selon elle, le 8 mars est «une journée pour réaffirmer que pour maîtriser pleinement notre destin, nous les femmes devons d'abord avoir le contrôle de notre propre corps».

Un message que M. Trudeau a repris après son discours, en réponse aux questions des journalistes.

«Quand on prend une position contre l'avortement, on est en train d'enlever le choix aux femmes, on est en train d'enlever aux femmes le pouvoir de décider de leur avenir, avec qui, quand, comment, aussi, elles veulent commencer une famille. Pour moi, c'est une question de droits fondamentaux», a-t-il exposé.

L'annonce des 650 millions

L'annonce de ce soutien pour les femmes des pays en voie de développement s'est faite en présence de quelques invitées qui applaudissaient l'initiative canadienne.

Le Canada «est le seul pays où il faut être en cette Journée internationale des femmes», a déclaré la princesse Sarah Zeid, nièce du roi de Jordanie, en vantant le leadership du gouvernement canadien et du premier ministre Trudeau.

«Je suis heureux que le Canada fasse sa part pour aider à bâtir un avenir meilleur pour les femmes et les filles partout dans le monde», a déclaré M. Trudeau dans son discours.

L'argent servira à l'éducation sexuelle, à financer les services de santé reproductive, y compris les avortements dans les pays où le geste est légal, à améliorer l'accès à la planification familiale et aux moyens de contraception.

La ministre Bibeau estime que l'intervention canadienne pourra également servir à prévenir la violence contre les femmes, les mariages précoces et la mutilation génitale.

Réactions opposées

«L'accent féministe donné par le gouvernement (du Canada) change du tout au tout la façon de faire de l'aide internationale. Des investissements comme celui annoncé aujourd'hui serviront grandement à réduire l'inégalité entre les sexes et à assurer que les femmes et les filles puissent avoir les occasions dont elles ont besoin pour atteindre leur plein potentiel», a-t-on pu lire dans une déclaration émise par le président d'UNICEF au Canada, David Morley.

Oxfam Canada aussi s'est réjoui dans un communiqué.

La directrice de l'organisme, Julie Delahanty, s'est d'abord désolée de voir les droits des femmes reculer dans plusieurs pays, puis elle a souligné le geste canadien. «En cette Journée internationale des femmes, nous applaudissons les gouvernements progressistes comme le Canada», a déclaré Mme Delahanty.

Dans les couloirs du parlement, les élus conservateurs n'avaient aucune envie d'applaudir. Mais leurs critiques, à une exception près, ont été exprimées à mots couverts et de façon détournée.

«Un grand nombre de Canadiens (...) croient que c'est mal. Ils croient que c'est immoral», a lancé Brad Trost, candidat au leadership de son parti, et ouvertement opposé au droit à l'avortement.

M. Trost est l'exception, puisque tous ses collègues marchaient sur des oeufs.

«Notre position a toujours été de se contenter de faire les choses qui unissent les gens et que tout le monde peut appuyer, ce qui était le cas de l'initiative pour la santé des mères, des nouveau-nés et des enfants», a répété la leader par intérim du Parti conservateur, Rona Ambrose.

Le gouvernement de Stephen Harper avait exclu le financement des avortements de cette initiative. Mais Mme Ambrose refusait, mercredi après-midi, de dire tout haut ce qu'elle pensait de la décision du gouvernement libéral de financer des avortements à l'étranger.

Plusieurs députés conservateurs s'étaient manifestement consultés, utilisant les mêmes esquives.

«Il y a beaucoup de choses qui se passent ici au Canada, spécialement avec les femmes autochtones. (...) Mieux vaut dépenser l'argent ici au Canada», de l'avis du député albertain Matt Jeneroux.

«En ce moment, je pense qu'il est vraiment important que nous regardions les questions chez nous et les gens qui ont besoin de cet argent comme les femmes autochtones», reprenait, en écho, sa collègue ontarienne Karen Vecchio.

Cet argument a fait bondir le Nouveau Parti démocratique.

«Je ne voudrais en aucun cas opposer les femmes autochtones d'ici et les besoins des femmes dans le monde, ailleurs. On est un pays du G7. Je pense qu'on a les ressources suffisantes pour être capables de faire les deux en même temps. Je n'aime pas beaucoup qu'on fasse cette opposition-là comme les conservateurs le font», s'est indigné le député néo-démocrate Alexandre Boulerice.