Alors que l'ingérence russe dans l'élection présidentielle continue de faire les manchettes aux États-Unis, la ministre canadienne des Affaires étrangères, Chrystia Freeland, prévient qu'Ottawa pourrait lui aussi se retrouver éventuellement dans le viseur de Moscou.

La diplomate en chef du Canada y est allée de cette mise en garde lors d'une conférence de presse dans le foyer des Communes, lundi, alors qu'elle venait d'annoncer la prolongation de la mission militaire canadienne en Ukraine.

« Ce n'est pas un secret, et les officiels américains l'ont dit publiquement, et même [la chancelière allemande] Angela Merkel l'a dit publiquement, qu'il y a eu des efforts du côté de la Russie, de déstabiliser la démocratie dans l'Ouest », a-t-elle soutenu.

« Et je pense que ça ne doit pas être une surprise si les mêmes efforts [sont déployés] contre le Canada », a enchaîné l'élue de descendance ukrainienne, qui a été déclarée persona non grata par le régime de Vladimir Poutine en mars 2014.

La députée torontoise a été inscrite - en même temps que d'autres politiciens fédéraux - sur une liste noire après qu'Ottawa eut annoncé des sanctions contre Moscou dans la foulée de l'annexion illégale de la Crimée par la Russie.

La ministre Freeland a refusé de dire si les autorités du Kremlin s'adonnaient à une opération de salissage à son égard, alors que certains sites prorusses ont récemment publié des articles présentant son grand-père comme un collaborateur du régime nazi en Allemagne.

Elle a cependant soutenu avoir « confiance en notre démocratie » et « confiance que nous pouvons nous tenir debout pour contrer ces efforts », sans toutefois préciser si elle a en sa possession des informations tangibles lui permettant d'offrir cette analyse sur la menace russe.

Son collègue à la Sécurité publique, Ralph Goodale, n'a pas non plus voulu entrer dans les détails, mais il a fait valoir que Chrystia Freeland ne parlait probablement pas à travers son chapeau.

Car la numéro deux du gouvernement de Justin Trudeau s'appuie sur les « données appropriées » que lui auraient fournies les « sources très bien informées » chez Affaires mondiales Canada, a-t-il souligné en mêlée de presse.

« Le fait est que nous devons demeurer alertes », a tranché le ministre Goodale, rappelant que le premier ministre Justin Trudeau a récemment ordonné une révision en profondeur des systèmes de cybersécurité fédéraux.

L'exercice vise à « défendre le processus électoral du Canada contre les cybermenaces », stipule la lettre de mandat de la nouvelle ministre fédérale des Institutions démocratiques, Karina Gould.

L'ingérence de Moscou dans l'élection présidentielle américaine a déjà fait rouler une tête dans la nouvelle administration du président Donald Trump : celle de Michael Flynn, que le milliardaire avait choisi comme conseiller à la sécurité nationale.

Il a été largué après avoir reconnu qu'il avait eu des conversations téléphoniques avec l'ambassadeur de la Russie aux États-Unis durant la période de transition, et qu'il avait fourni des « informations incomplètes » à propos de ces discussions au vice-président Mike Pence.

La semaine dernière, c'était au tour du secrétaire à la Justice, Jeff Sessions, de se retrouver sur la sellette en raison des contacts qu'il a admis avoir eus avec l'ambassadeur russe pendant la campagne présidentielle.

Il y a un peu plus de deux semaines, l'homologue russe de la ministre canadienne des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, avait déclaré que Moscou espérait un nouvel ordre mondial « post-occidental ».