L'homme d'affaires Kevin O'Leary affirme qu'il sera «le pire cauchemar» de Justin Trudeau quand il deviendra le prochain chef du Parti conservateur.

Confirmant qu'il se lance dans la course à la succession de Stephen Harper quelques heures après la tenue du seul débat en français, qui avait lieu à Québec mardi soir, M. O'Leary a été fidèle à ses habitudes en multipliant hier les déclarations à l'emporte-pièce lors d'entrevues accordées à des réseaux de télévisions anglophones ou par l'entremise des médias sociaux.

Dans un message diffusé sur son compte Facebook qui avait été visionné au moins 415 000 fois en fin d'après-midi, M. O'Leary n'utilise pas le conditionnel pour expliquer ses intentions s'il devient chef du Parti conservateur. Il sera le prochain leader de cette formation politique, point à la ligne, écartant du même coup les 13 autres candidats qui s'activent sur le terrain depuis des mois et courtisent les militants du parti aux quatre coins du pays.

«Je serai le pire cauchemar de Justin Trudeau», a lancé sans ambages la vedette de l'émission Dragon's Den, qui est diffusée sur les ondes de CBC.

«Aujourd'hui, avec vous, je commence mon périple pour faire quelque chose de très spécial. Je vais aider Trudeau à trouver sa véritable destinée en 2019, parce que son destin n'est pas de diriger le Canada», a affirmé M. O'Leary dans son message en anglais seulement de plus de quatre minutes.

«[Justin Trudeau] n'a pas la moindre idée de ce qu'il fait. Et le sentiment d'échec est en train de se répandre un peu partout au pays.» - Kevin O'Leary

Il a sévèrement critiqué la gestion de l'économie canadienne par le gouvernement Trudeau, notamment sa décision d'imposer une nouvelle taxe sur le carbone alors qu'aux États-Unis, la nouvelle administration de Donald Trump entend abroger les politiques du président Barack Omaba touchant la lutte contre les changements climatiques.

Dans une entrevue accordée au réseau Global, M. O'Leary a affirmé sans rougir qu'il va remporter cette longue course à la direction qui connaîtra son dénouement le 27 mai même s'il fait une entrée tardive. Et s'il ne réussit pas à mettre fin au règne des libéraux aux prochaines élections fédérales prévues en octobre 2019, on pourra promptement le congédier comme chef du parti.

«J'ai dit ceci au caucus conservateur: si je ne parviens pas à remporter un mandat majoritaire en 2019, virez-moi!», a-t-il dit.

Apprendre le français

Par rapport à son principal handicap - il ne parle pas le français -, M. O'Leary s'est de nouveau engagé à apprendre la langue de Molière, après avoir laissé entendre à quelques reprises que cela serait futile étant donné que les jeunes Québécois sont bilingues. Au réseau CTV, il a affirmé qu'il sera bilingue à temps pour affronter Justin Trudeau durant les prochaines élections.

«Jusqu'à ce que j'aie 7 ans, je conversais [en français], selon mes parents. Ça revient. Vous savez, les gens disent: "Tu ne parles pas français"», a-t-il dit. Il a ensuite enchaîné dans un français laborieux : «C'est pas vrai, mon français devient mieux chaque jour.»

L'ombre de Kevin O'Leary avait plané la veille à Québec, où plusieurs des candidats avaient exprimé leur mécontentement devant l'attitude de M. O'Leary, qui commentait sur Twitter le débat sans y être. Pour Lisa Raitt, qui parle elle-même très peu français, il était évident que M. O'Leary attendait de déposer sa candidature au lendemain du débat pour s'en sauver. Michael Chong a déploré un «manque de respect» à l'égard des francophones du Québec et du reste du Canada.

L'ancien directeur des communications de Stephen Harper, Andrew MacDougall, a pour sa part écrit dans une chronique d'opinion dans le Globe and Mail que le futur chef doit absolument être bilingue et que la candidature de M. O'Leary devrait être «rejetée du revers de la main».

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Sérieuses réserves à Québec


À l'Assemblée nationale, l'entrée en scène de Kevin O'Leary a été accueillie avec de sérieuses réserves par la classe politique québécoise.

Au bureau de Jean-Marc Fournier, ministre québécois des Relations canadiennes, on ne souhaite pas s'immiscer dans les affaires internes d'un parti fédéral. Mais le ministre a néanmoins lancé une pointe au nouveau candidat dans la course conservatrice.

«Le français fait partie de l'identité canadienne et, pour représenter le Canada, il faut représenter l'ensemble des facettes canadiennes», a-t-il indiqué par l'intermédiaire de sa porte-parole, Karla Duval.

Le député du Parti québécois Nicolas Marceau juge pour sa part «insultant» qu'un parti national considère la candidature d'un unilingue anglophone au poste de premier ministre.

«Ça nous envoie à tous les francophones le message qu'on est des citoyens de seconde zone», a dénoncé M. Marceau.

La Coalition avenir Québec a elle aussi martelé l'importance pour un aspirant premier ministre de parler français.

«Tout aspirant au poste de premier ministre du Canada qui ne parle pas déjà le français devrait l'apprendre et aspirer à le maîtriser», a déclaré son porte-parole, Guillaume Simard-Leduc.

- Avec La Presse Canadienne