À deux jours du septième anniversaire du tremblement de terre en Haïti, le Canada promet 6 millions sur deux ans pour lutter contre l'épidémie de choléra qui a fauché 10 000 vies depuis que des Casques bleus ont introduit la maladie dans le pays, en 2010. L'ambassadeur du Canada à l'Organisation des Nations unies (ONU) invite les États membres à emboîter rapidement le pas pour corriger «une situation exceptionnelle qui exige une réponse exceptionnelle».

L'annonce coïncide avec la publication dans La Presse la semaine dernière d'un grand dossier sur l'épidémie de choléra, pour laquelle l'ONU a reconnu en décembre, près de sept ans après les premières victimes, une responsabilité morale et offert ses excuses au peuple haïtien, promettant du même coup 400 millions pour éradiquer la maladie.

Ces 400 millions, ce sont les gouvernements des pays membres qui doivent les avancer, et cela, sur une base volontaire.

Dans une entrevue accordée à La Presse en décembre, le Dr David Nabarro, conseiller spécial du secrétaire général des Nations unies pour le développement durable et responsable du dossier du choléra en Haïti, avait promis d'être «implacable» dans son effort pour convaincre les États membres de mettre la main dans leur poche. «On n'a pas du tout d'argent», avait-il admis.

En date du mois dernier, seules la France et la Corée du Sud avaient promis chacune 1 million. Le don du Canada, officialisé en début de semaine dernière et annoncé à La Presse hier, vient de quadrupler la mise.

«Le Canada est vu comme étant un des leaders dans l'aide humanitaire auprès d'Haïti. Pour nous, c'est important de montrer l'exemple et de s'assurer qu'on puisse inspirer les autres pays donateurs à contribuer à cette nouvelle approche de l'ONU», explique l'ambassadeur Marc-André Blanchard, joint à New York.

Du progrès malgré les défis

Reste qu'on est loin du compte. Comment convaincre les États membres de donner de l'argent dans un contexte de lassitude, alors que, comme l'expliquait à La Presse Philip Alston, rapporteur spécial de l'organisation sur l'extrême pauvreté et les droits de l'homme, «les gouvernements estiment qu'ils ont dépensé beaucoup d'argent en Haïti et que ç'a été gaspillé»?

«On peut dire que malgré tous les défis, il y a eu des progrès. Le fait que les choses ne s'améliorent pas du jour au lendemain ne veut pas dire qu'il faut arrêter de croire en l'avenir du pays. Il y a toujours trop de personnes affectées qui dépendent de notre appui», affirme M. Blanchard.

Il va plus loin. «Étant donné la responsabilité collective de l'ONU face à cette crise en Haïti, le Canada est d'avis que si les contributions volontaires sont insuffisantes, le plan de réponse au choléra de l'ONU devrait être financé par les contributions statutaires des États membres. Cette situation-là est une situation exceptionnelle et elle exige une réponse exceptionnelle des Nations unies. Pour résoudre la situation, ça va prendre des investissements qui ont été évalués par l'Organisation des Nations unies à 400 millions. Dans le contexte où les pays donateurs arriveraient à une somme inférieure, le Canada va déployer tous ses efforts pour s'assurer que les sommes manquantes soient puisées à même le budget des Nations unies.»

«On voit les résultats»

Où ira l'argent? Comment s'assurer que ce sont les victimes qui en bénéficieront, alors que plusieurs intervenants sur le terrain ont affirmé à La Presse que les dons étrangers ne se rendent souvent pas jusqu'à eux?

«On sait où est allé l'argent et on voit les résultats», assure M. Blanchard. Ottawa a déjà investi 44 millions depuis 2010 pour la lutte contre le choléra en Haïti, sans compter les 6 nouveaux millions promis.

«Le nombre de cas affectés par le choléra a diminué de 90% par rapport à ce qu'il était au début de l'épidémie. Ceci a été rendu possible par la réponse d'urgence en santé, eau potable et assainissement mise en oeuvre par les Haïtiens, le Canada et la communauté internationale», dit l'ambassadeur.

Il donne en exemple l'achat de matériel médical, la formation de personnel médical et le traitement des patients grâce à des dons à l'Organisation panaméricaine de la santé et d'une initiative d'assainissement de l'eau par l'UNICEF.

Pour ce qui est des nouvelles sommes, le gouvernement Trudeau les versera directement à trois ONG qui travaillent à la lutte contre le choléra, soit Médecins du monde, l'UNICEF et l'Organisation panaméricaine de la santé.

«[Nous avons] spécifiquement choisi ces agences-là parce que ce sont des partenaires avec qui on a beaucoup d'expérience sur le terrain, et en travaillant avec eux, on est assurés que l'aide soit mise en oeuvre de façon efficace et que les victimes qui ont besoin de l'aide reçoivent vraiment cette aide», dit M. Blanchard.

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Où ira l'argent ?

TROIS ONG SE PARTAGENT LA SOMME : 

• Médecins du monde : 4 millions

• Organisation panaméricaine de la santé : 500 000 $

• Fonds des Nations unies pour l'enfance (UNICEF) : 1,5 million

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SUR LE TERRAIN : 

• Fournir de l'eau potable ;

• Fournir des trousses de traitement contre le choléra et d'hygiène aux populations vulnérables et à risque ;

• Offrir un soutien au personnel infirmier dans les centres de traitement ;

• Soutenir les équipes médicales d'urgence ;

• Mener des campagnes de promotion de l'hygiène et de la salubrité ;

• Appuyer la création d'une unité de coordination, de surveillance et d'intervention.