Dès son arrivée en Argentine, jeudi, le premier ministre Justin Trudeau a dénoncé le protectionnisme qui risque d'envahir les États-Unis après l'élection de Donald Trump, des propos repris par son hôte, le président Mauricio Macri.

Selon les deux hommes, beaucoup de gens craignent que le progrès et le commerce mondial abandonnent à leur sort une partie de la population, et que des enfants ne puissent pas bénéficier des mêmes possibilités que leurs parents et grands-parents. Ce sentiment a alimenté selon eux des mouvements opposés à l'immigration et au commerce international un peu partout dans le monde, ce qui s'est traduit par l'élection de Donald Trump aux États-Unis et le Brexit au Royaume-Uni.

Dans le cadre de son premier voyage officiel en Amérique du Sud, M. Trudeau a soutenu en conférence de presse à Buenos Aires, jeudi, que le commerce stimule indéniablement la croissance économique, et qu'il peut - qu'il devrait - bénéficier à tous les citoyens. Il faut maintenant démontrer, selon lui, qu'il est possible de conclure des accords commerciaux qui soient avantageux pour les petites et moyennes entreprises, pour la classe moyenne et pour les communautés locales.

Le président Macri a renchéri en affirmant que le commerce constitue un outil pour sortir les citoyens argentins de la pauvreté, alléger le fardeau fiscal de la classe moyenne et améliorer les finances publiques en général.

Après des années de gouvernements populistes et nationalistes, l'Argentine tend de plus à plus vers le centre du spectre politique, alors que le président Macri a levé le contrôle des changes et apporté des modifications à l'agence centrale de la statistique, afin de se refaire une crédibilité et attirer les investisseurs étrangers.

M. Trudeau a déjà déclaré que si l'Argentine est un pays ayant des défis à relever, il a devant lui plusieurs occasions de croissance. Aux yeux du président Macri, ces occasions prennent la forme d'investissements étrangers alors que la valeur du peso argentin s'est effritée, que le coût de l'électricité est monté en flèche et que 200 000 emplois ont été supprimés.

Un ancien diplomate canadien en Amérique du Sud affirme que le changement politique observé en Argentine est reflété dans les pays voisins, ce qui fait de la visite de M. Trudeau une astucieuse stratégie géopolitique. Allan Culham croit que la visite du premier ministre ne pourrait tomber à un meilleur moment pour bâtir des relations personnelles, ce qu'apprécient particulièrement les Sud-Américains.

L'ambassadeur de l'Argentine au Canada, Marcelo Suarez Salvia, estime que cette rencontre constitue une belle occasion de reconstruire la relation entre les deux pays, qui avait atteint un creux il y a quatre ans. C'était au Sommet des Amériques, en 2012, lorsque le précédent gouvernement conservateur avait choisi de ne pas appuyer une résolution pro-Argentine dans le différend avec le Royaume-Uni sur les îles Malouines.

L'ambassadeur Suarez Salvia explique que son pays souhaite obtenir une aide financière internationale pour réaliser plusieurs importants projets d'infrastructures et profiter de l'expertise canadienne dans le but de faire venir 3000 réfugiés syriens en Argentine. Le pays accepte aussi de rouvrir ses frontières au porc canadien, ce qui réjouira les producteurs québécois.

Des entreprises canadiennes ont déjà un pied à terre en Argentine, principalement dans le secteur minier - des projets controversés à cause de leurs impacts sociaux et environnementaux. Le président Macri cherche à séduire les entreprises minières en abaissant les taxes fédérales et en incitant les provinces, qui ont juridiction dans ce secteur, à l'imiter.

M. Trudeau séjournera deux jours en sol argentin. Il participera ensuite, en fin de semaine, au Sommet Asie-Pacifique (APEC), à Lima, au Pérou.