Trônant au sommet dans les sondages près d'un an après sa victoire électorale, le premier ministre Justin Trudeau devra naviguer avec prudence dans les eaux tumultueuses qui heurteront inévitablement son navire libéral cet automne. Voici un survol des dossiers à suivre de près alors que la Chambre des communes reprend ses travaux aujourd'hui.

LUTTE CONTRE LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES

Le gouvernement Trudeau compte ratifier rapidement l'Accord de Paris sur les changements climatiques, et cela, avant même la tenue d'une conférence des premiers ministres, prévue en novembre, afin d'élaborer un cadre national pour réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) au pays. Durant cette rencontre avec ses homologues provinciaux, le premier ministre Trudeau confirmera qu'il s'en tiendra, pour le moment, aux cibles de réduction des émissions de GES fixées par l'ancien gouvernement conservateur de Stephen Harper en mai 2015. En vertu de ces cibles, que les libéraux avaient jugées peu ambitieuses l'an dernier, le Canada s'engage à réduire ses émissions de GES de 30 % d'ici 2030 par rapport au niveau de 2005. Durant cette même rencontre, le gouvernement Trudeau compte formaliser son intention d'imposer une tarification du carbone - une mesure qui est loin de faire l'unanimité parmi les provinces.

ACCORD SUR LE FINANCEMENT DES SOINS DE SANTÉ

Le financement des soins de santé sera sans doute une autre pomme de discorde entre Ottawa et les provinces, à moins que le gouvernement Trudeau n'accepte de délier généreusement les cordons de sa bourse. La ministre de la Santé, Jane Philpott, a entrepris des pourparlers préliminaires avec ses homologues provinciaux, et le ton a rapidement tourné à l'affrontement entre Ottawa et Québec. L'entente sur le financement de la santé prend fin en 2017. Pendant 12 ans, la croissance annuelle des transferts aux provinces s'est établie à 6 %. Le gouvernement Harper a unilatéralement décidé d'aligner la hausse des transferts sur la croissance du produit intérieur brut (PIB), mais avec une augmentation minimale de 3 %. Selon plusieurs provinces, une telle formule pourrait les forcer à réduire les services en matière de santé.

LE DILEMME DES PIPELINES

Le gouvernement Trudeau doit décider avant le 22 septembre s'il interjette appel de la décision de la Cour fédérale d'annuler l'approbation de la construction de l'oléoduc Northern Gateway, en Colombie-Britannique. L'ancien gouvernement conservateur avait approuvé le projet, qui demeure controversé dans cette province. Et le gouvernement Trudeau devra aussi statuer sur l'élargissement du pipeline TransMountain, également en Colombie-Britannique, d'ici la fin de décembre. Les libéraux, qui ont fait des gains en Colombie-Britannique au dernier scrutin, sont conscients que l'opposition à ces deux projets est vive et que cela pourrait bien donner le ton aux audiences de l'Office national de l'énergie portant sur le projet Énergie Est après la récusation des trois commissaires, il y a deux semaines. Deux d'entre eux étaient soupçonnés de manquer d'impartialité parce qu'ils ont rencontré en privé l'ancien premier ministre Jean Charest alors que ce dernier agissait comme consultant pour TransCanada.

RÉFORME ÉLECTORALE

Le gouvernement Trudeau a toujours la ferme intention d'aller de l'avant avec sa réforme du mode de scrutin, même si les travaux du comité parlementaire spécial chargé de consulter les Canadiens avancent à pas de tortue. Ce comité doit remettre un rapport final et ses recommandations à la ministre responsable des Institutions démocratiques, Maryam Monsef, au plus tard le 1er décembre. Mme Monsef a aussi entrepris une tournée des provinces à la fin d'août afin de prendre le pouls de la population. Les principaux partis ne s'entendent pas sur un nouveau mode de scrutin. Le Parti libéral favoriserait un vote préférentiel, tandis que le Nouveau Parti démocratique et le Parti vert croient aux vertus d'un mode de scrutin proportionnel. Le Parti conservateur défend le mode de scrutin actuel uninominal à un tour et exige la tenue d'un référendum national pour approuver tout changement. La ministre Monsef compte déposer son projet de loi pour modifier le mode de scrutin en mai 2017.

LIBRE-ÉCHANGE ET BOIS D'OEUVRE

Sur le front des relations commerciales, deux dossiers accapareront les efforts du gouvernement Trudeau cet automne : la ratification de l'accord de libre-échange entre le Canada et l'Union européenne et la négociation d'une nouvelle entente sur le bois d'oeuvre avec les États-Unis. La ministre du Commerce international, Chrystia Freeland, se montre modérément optimiste quant à la ratification de l'accord de libre-échange avec le Vieux Continent. Elle compte déposer un projet de loi pour ratifier l'accord en octobre. Mais elle entreprendra sous peu une tournée des capitales européennes pour s'assurer que l'on procède enfin à son adoption. La ministre est moins optimiste quant aux chances de conclure une nouvelle entente sur le bois d'oeuvre satisfaisante avec les États-Unis avant la date butoir de la mi-octobre. Elle s'attend d'ailleurs à ce que le Canada doive à nouveau défendre sa cause devant l'Organisation mondiale du commerce.

LÉGALISATION DE LA MARIJUANA

La présidente du groupe de travail qui se penche sur la légalisation de la marijuana, Anne McLellan, doit remettre son rapport final au gouvernement Trudeau en novembre. Déjà, Mme McLellan a invité Ottawa à faire preuve de prudence dans ce dossier. Le groupe de travail, qui a reçu plus de 30 000 commentaires depuis le début de ses travaux, doit proposer une feuille de route au gouvernement Trudeau quant à la production de la marijuana, la distribution et la vente de cette drogue ainsi que l'accès. Les membres du groupe de travail se sont rendus dans les États de Washington et du Colorado, qui ont déjà légalisé la marijuana. La ministre de la Justice, Jody Wilson-Raybould, doit déposer un projet de loi pour légaliser cette drogue au printemps 2017.

ÉLECTIONS PARTIELLES ET NOMINATIONS AU SÉNAT

Le premier ministre Trudeau doit déclencher des élections partielles dans quatre circonscriptions au pays, dont trois en Alberta. Ces élections partielles ont été rendues nécessaires en raison du décès des députés Mauril Bélanger (libéral, Ottawa-Vanier) et Jim Hillyer (conservateur, Lethbridge) et des démissions de l'ancien premier ministre Stephen Harper (conservateur, Calgary-Heritage) et de l'ancien ministre de la Défense Jason Kenney (conservateur, Calgary-Midnapore). En outre, M. Trudeau doit combler 20 sièges vacants au Sénat et nommer un juge à la Cour suprême du Canada. Au Sénat, M. Trudeau pourra continuer à transformer cette institution éclaboussée par le scandale des dépenses en nommant des sénateurs indépendants, qui pourraient détenir la majorité d'ici la fin de l'année.

DES VOYAGES À L'ÉTRANGER

Accueilli en véritable rock star lorsqu'il se rend dans un autre pays, Justin Trudeau effectuera quelques visites officielles à l'étranger cet automne. Dès aujourd'hui, il sera à New York afin de participer à l'ouverture de la 71e session de l'Assemblée générale des Nations unies. Le premier ministre doit participer au 16e sommet de la Francophonie, qui aura lieu les 26 et 27 novembre à Antananarivo, à Madagascar, et au sommet de la Coopération économique de la zone Asie-Pacifique (APEC), qui doit aussi avoir lieu en novembre à Lima, au Pérou. Un sommet des pays membres du Commonwealth est également à l'ordre du jour cet automne. Pendant ce temps, les partis continueront d'être dirigés par des chefs intérimaires. Le Parti conservateur se donnera un nouveau chef en mai 2017, tandis que les militants du Nouveau Parti démocratique éliront un successeur à Thomas Mulcair en octobre 2017. Quant au Bloc québécois, la course à la direction du parti pourrait avoir lieu seulement en 2018.