Les femmes sont le premier maillon d'une «chaîne positive» et c'est en elles qu'il faut «investir le maximum d'efforts» dans les pays qui reçoivent de l'aide internationale du Canada, estime la ministre canadienne du Développement international et de la Francophonie, Marie-Claude Bibeau.

Alors que la «grande consultation» menée auprès des acteurs du milieu vient de se terminer, la ministre prévoit annoncer «avant les Fêtes» la nouvelle politique d'aide publique au développement du Canada.

Déjà, la ministre Bibeau peut dire que les femmes et les filles auront la priorité.

«Pas seulement parce que ce sont les plus grandes victimes de la pauvreté, des conflits et même des changements climatiques, [mais] parce que les femmes et les filles ont le plus grand potentiel de changer les choses», affirme la ministre.

«Quand les femmes sont parties prenantes d'un processus de paix, ça dure plus longtemps.» - Marie-Claude Bibeau, ministre du Développement international et de la Francophonie

Lorsqu'elles ont accès à l'éducation, les femmes peuvent plus facilement acquérir une autonomie financière et faire partie des décideurs de leur communauté, illustre la ministre.

De l'agriculture aux mariages précoces

Dix mois après son entrée en fonction, Marie-Claude Bibeau dit avoir fait le constat que «tout est interrelié» en matière d'aide internationale.

Une école d'agriculture «très modeste» financée par le Canada au Burkina Faso, que la ministre a visitée il y a deux semaines, en est la parfaite illustration, dit-elle. Elle y a rencontré une femme qui avait récemment suivi la formation de 10 jours en techniques de production et d'élevage qui y est donnée.

«Ça lui a permis de doubler sa production, d'avoir plus de revenus, de garder ses enfants à l'école et d'éviter un mariage précoce à sa fille», raconte la ministre, soulignant qu'il s'agit là de divers enjeux qui lui sont chers.

«Élargir» le programme des conservateurs

Marie-Claude Bibeau entend poursuivre les actions du Canada dans le domaine de la «santé des mères, des nouveau-nés et des enfants», un thème cher au gouvernement précédent, mais en l'élargissant pour englober la « santé reproductive ».

«C'est évidemment bon de permettre des accouchements sécuritaires, d'avoir de beaux bébés en santé, [...] mais on veut travailler sur toute la gamme de services.» - Marie-Claude Bibeau

Le Canada agira donc en matière d'éducation sexuelle - des filles, mais aussi des garçons, insiste la ministre -, de planification des naissances, de contraception et d'avortement, «là où c'est possible».

La ministre Bibeau entend aussi plaider pour une augmentation du budget qu'Ottawa consacre à l'aide publique au développement, tout en se disant consciente du «cadre fiscal» avec lequel le gouvernement doit composer.

Elle souhaite également que le Canada travaille «plus directement avec les organisations locales», sans pour autant faire une croix sur les partenariats avec les grandes agences internationales ou sur l'aide bilatérale.

Pas «un petit joueur»

Marie-Claude Bibeau assure que le Canada peut faire bouger les choses sur la scène internationale, même si, au chapitre des apports d'aide publique au développement (ADP), il figure au huitième rang, selon l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

Ottawa consacre 0,31% de son revenu national brut en ADP, contre 0,72% pour le Royaume-Uni, seul pays du G7 à avoir atteint la cible de 0,7% fixée en 1970 par les Nations unies, sur la recommandation de l'ancien premier ministre canadien Lester B. Pearson.

«Ce n'est pas vrai qu'on est un petit joueur», lance toutefois la ministre, citant par exemple le Sénégal, où le Canada est le plus important bailleur de fonds en matière d'éducation.

«Nos partenaires, les autres pays donateurs, me disent: "On a besoin du leadership du Canada", affirme la ministre Bibeau, notamment en matière de renforcement des capacités, où l'expertise canadienne est très appréciée.»

«Et ce n'est pas ça qui coûte le plus cher, s'exclame la ministre. C'est ça, la bonne nouvelle!»

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ÉRADIQUER LE SIDA, LA TUBERCULOSE ET LA MALARIA D'ICI 2030

Montréal sera l'hôte, vendredi, de la cinquième conférence trisannuelle des donateurs du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, dont l'objectif est d'éradiquer ces trois maladies d'ici 2030. Déjà «20 millions de vies ont été sauvées», souligne la ministre Marie-Claude Bibeau, qui vante l'efficacité de ce programme. «Le pays [qui est bénéficiaire] devient un partenaire, il doit contribuer financièrement au projet et il doit aussi s'engager à améliorer de façon significative sa gouvernance dans son système de santé», explique-t-elle. Ottawa a annoncé le printemps dernier un investissement de 785 millions de dollars dans le Fonds pour les trois prochaines années. La conférence sera suivie, samedi, d'un grand concert au Centre Bell mettant en vedette Usher, Half Moon Run et Charlotte Cardin, entre autres, une façon de «sensibiliser les jeunes à ces enjeux», explique la ministre Bibeau.

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Marie-Claude Bibeau à propos de...

L'Afrique au coeur des préoccupations

Le continent africain figure au coeur des préoccupations de la ministre Bibeau, qui y voit deux enjeux majeurs. D'abord, l'explosion démographique : « On prévoit que la population va doubler d'ici 2050. [...] Il y a certains pays où la moitié de la population a moins de 16 ans, c'est majeur ! », s'exclame la ministre. Ensuite, l'accès à l'eau et les changements climatiques : « On m'en a témoigné en Afrique, ça devient un enjeu de conflits entre différentes communautés, parce que la ressource est de plus en plus rare. »

Aider pour se protéger

L'intérêt national du Canada commande d'aider les plus démunis, affirme la ministre Bibeau, sans quoi les crises qui secouent la planète finiront tôt ou tard par avoir des répercussions jusque chez nous. « C'est pour ça qu'on a une responsabilité d'aider ces pays-là à garder les jeunes à l'école et à offrir des perspectives d'avenir », explique-t-elle, craignant que si on ne le fait pas, « le risque, c'est qu'ils prennent le bateau [...] ou, pire encore, qu'ils décident de se joindre à des groupes armés ».

« Des choix difficiles »

« Pouvoir faire une différence dans la vie du vrai monde, c'est un privilège incroyable », confie Marie-Claude Bibeau, dressant un bilan de son arrivée en politique. C'est aussi « une responsabilité incroyable », ajoute-t-elle, parlant de « choix difficiles ». Mais être ministre du Développement international est « un mandat qui me convient bien », assure celle qui a commencé sa carrière à la défunte Agence canadienne du développement international (ACDI). « Je suis très enthousiaste à l'idée de prendre un leadership international pour aider les femmes à devenir plus autonomes et à faire une différence dans leur communauté. »