Le ministre de la Défense, Harjit Sajjan, qui espère être en mesure d'annoncer «d'ici la fin de l'année» où seront envoyés des centaines de Casques bleus canadiens, n'est pas prêt à s'engager à tenir un vote sur ce déploiement au Parlement.

Une décision d'une telle importance ne devrait pas être précipitée, a-t-il plaidé jeudi en conférence téléphonique depuis Londres, où il participait à un sommet des pays qui contribuent aux missions de soutien à la paix des Nations unies.

«Je veux avancer le plus rapidement possible, mais le faire de manière responsable. (...) Je ne veux pas d'un échéancier artificiel qui mettrait en péril la sécurité des troupes et l'impact d'une mission», a expliqué M. Sajjan.

On ignore donc toujours dans quels pays pourraient être envoyés jusqu'à 600 soldats et 150 policiers. On ne sait pas non plus à quel moment leur déploiement pourrait survenir - sur cette question, le ministre s'en remet aux Forces armées canadiennes.

«Je laisse ces décisions à l'armée. Il faudra déterminer, une fois que la décision aura été prise, quel type de formation s'imposera», a-t-il précisé.

Le ministre Sajjan a refusé de dire clairement si le gouvernement pourrait soumettre le déploiement de troupes à un vote en Chambre.

«On met la charrue avant les boeufs. (...) Une fois que je disposerai de toute l'information nécessaire, je serai en mesure de faire une recommandation au conseil des ministres. (...) Nous discuterons de la suite des choses», a-t-il offert.

Des informations contradictoires circulaient à ce sujet, jeudi, mais la décision finale n'aurait pas encore été prise, a indiqué Renée Filiatrault, la directrice des communications du ministre Sajjan.

Pour les trois principaux partis d'opposition à Ottawa, tout engagement canadien devrait être avalisé au préalable par les députés de la Chambre des communes.

Autrement, les libéraux feraient preuve de mépris envers le Parlement, a soutenu le porte-parole associé du Parti conservateur en matière de défense, Pierre Paul-Hus.

«On veut envoyer des soldats en Afrique, probablement, dans les endroits les plus dangereux du monde. (...) Tout le Parlement doit débattre et avoir un vote sur une mission d'une telle importance», a-t-il dit en conférence de presse à Ottawa, jeudi matin.

Le chef du Bloc québécois, Rhéal Fortin, a abondé dans le même sens.

«Ce qui est clair pour nous, c'est que s'il y a un déploiement de soldats canadiens, ça doit passer par un vote en Chambre», a-t-il dit en conférence de presse au parlement.

«C'est un minimum de respect, on s'entend, là. Envoyer des gens se faire tuer à l'étranger, je pense que ça passe minimalement par une décision à la Chambre des communes», a ajouté M. Fortin.

Les spéculations quant aux pays où pourraient se retrouver des Casques bleus canadiens vont bon train.

On a parlé du Mali, de la République démocratique du Congo, du Soudan du Sud et de la République centrafricaine, entre autres.

Ultimement, le Canada veut trouver le pays ou la région où sa contribution pourrait être la plus significative, a réitéré jeudi le ministre Sajjan.

Le lieutenant-général à la retraite Roméo Dallaire pense que le «réengagement» canadien promis par le gouvernement de Justin Trudeau doit se faire progressivement.

«On retourne dans un monde de soutien à la paix qui n'est pas du tout le monde de maintien de la paix du passé», a-t-il expliqué en entrevue avec La Presse canadienne.

Les Casques bleus, selon lui, devraient ainsi être déployés dans des pays où le processus de paix est en marche.

«Je ne vois pas nécessairement le Mali comme un pays cible pour nous présentement. Les Hollandais sont là, les Français sont là, l'Union africaine est là. Il y a déjà une présence, et la paix n'est pas vraiment établie. Il y a un niveau de risque significatif», a expliqué M. Dallaire.

«Je vois, au contraire, la République centrafricaine, qui (est plus stable) et qui a besoin d'un renfort pour stabiliser davantage le pays et permettre la transition politique. Ça, je vois ça comme un investissement raisonnable», a-t-il fait valoir.

Selon l'ancien commandant de la Mission d'assistance des Nations unies au Rwanda (MINUAR), la contribution canadienne devrait être principalement axée sur l'appui logistique et la formation.

C'est ce que réclament les pays africains et l'Union africaine, «qui sont les premiers à dire que c'est un problème d'Afrique et que c'est aux Africains de le régler», car «l'époque où les hommes blancs venaient régler les problèmes, c'est fini, ça», a affirmé M. Dallaire.

L'ancien sénateur estime qu'en adoptant une approche progressive, «logique et déterminée», le Canada s'imposera de nouveau comme un joueur important aux Nations unies et qu'il «pourra prendre de plus en plus de responsabilités».

Déjà, on lui en a confié une. Le ministre Harjit Sajjan a confirmé jeudi à Londres que le Canada serait le pays hôte du prochain sommet des ministres de la Défense des pays qui participent aux missions de maintien de la paix de l'ONU, en 2017.