L'ancien chef néo-démocrate Ed Broadbent propose le mode de scrutin proportionnel mixte comme façon de renforcer l'unité nationale.

Celui qui a dirigé le Nouveau Parti démocratique (NPD) entre 1975 et 1989 a comparu lundi après-midi au comité sur la réforme électorale, où il a défendu l'adoption d'un système de représentation proportionnelle, l'une de ses batailles de longue date.

L'un des arguments qu'il a avancé en faveur de ce changement est que le système uninominal majoritaire à un tour qui prévaut actuellement au Canada encourage la discorde régionale.

M. Broadbent a évoqué le nombre minuscule de sièges détenus par le Parti libéral du Canada dans les provinces de l'Ouest lorsqu'il a élaboré en 1980 le Programme énergétique national (PÉN) - très peu populaire dans les provinces productrices de pétrole. Bien que le PLC eût malgré tout récolté plus de 20 pour cent des voix dans l'Ouest, il n'avait gagné aucun siège en Saskatchewan et en Alberta, et seulement deux au Manitoba.

Avec si peu d'élus provenant de cette région, le premier ministre d'alors, Pierre Elliott Trudeau, disposait de bien peu d'opinions provenant de cette région pour la mise en place de cette politique délicate.

«Même avec de la bonne volonté, si vous n'avez pas au cabinet des gens de régions différentes qui élaborent des politiques cruciales qui affectent ces régions, vous pouvez faire de sérieuses erreurs», a-t-il plaidé.

Pour la petite histoire, M. Broadbent a signalé que M. Trudeau, conscient de cet écueil, avait proposé à l'époque à M. Broadbent ainsi qu'à d'autres députés néo-démocrates de se joindre au cabinet. L'offre avait été déclinée par le NPD.

À l'inverse, la tenue d'un référendum sur la réforme électorale - une idée vivement défendue par les conservateurs - pourrait exacerber les tensions entre les différentes provinces, selon M. Broadbent.

À son avis, le Royaume-Uni est un pays «désespérément divisé» depuis le référendum sur le Brexit, et il craint une situation similaire si le Québec, l'Alberta ou la Colombie-Britannique, par exemple, votaient d'une façon complètement différente des autres provinces.

«À mes yeux, cela contribuerait à la désunion - pas à l'unité - que la campagne (en faveur d'une réforme) soit gagnée ou perdue», a-t-il soutenu.

Appel à l'action

Le comité a également entendu lundi le point de vue de l'ancien ministre péquiste de la Réforme des institutions démocratiques, Jean-Pierre Charbonneau.

Tout comme M. Broadbent, M. Charbonneau se dit en faveur d'un système proportionnel mixte selon lequel les électeurs voteraient à la fois pour un député représentant leur circonscription et pour leur parti préféré. Une liste établie par les partis permettrait de faire en sorte que le nombre de sièges pour chaque formation s'arrime à la volonté de la population.

Selon les deux anciens politiciens, le mode actuel comporte des lacunes majeures. Avec le mode de scrutin uninominal à un tour, un parti peut remporter la majorité des sièges aux Communes sans avoir obtenu la majorité des voix, et de nombreux électeurs ont ainsi l'impression que leur vote est gaspillé.

M. Charbonneau a insisté sur le fait que les partis qui se sont engagés à réformer le mode de scrutin au pays se doivent de tenir parole. En campagne électorale, Justin Trudeau a promis que les élections d'octobre 2015 seraient les dernières selon les paramètres actuels.

«Aux élections de 2003 (au Québec), tous les chefs de partis avaient fait la même promesse que Trudeau aux dernières élections fédérales, c'est-à-dire que ce serait la dernière fois qu'on aurait ce mode de scrutin-là pour des élections générales. Aujourd'hui, en 2016, (...) rien n'a bougé au Québec», a-t-il lancé en guise d'appel à l'action aux députés siégeant sur le comité.

La tentative d'une réforme au Québec s'est soldée par un échec, a insisté M. Charbonneau, notamment parce que les députés avaient peur de perdre leur siège selon un nouveau mode de scrutin, s'est-il rappelé.

De nombreux experts sont attendus à Ottawa au cours de la semaine pour discuter de cet enjeu. Le comité dispose de peu de temps pour étudier la question, car il doit remettre son rapport au gouvernement libéral au plus tard le 1er décembre.