Le gouvernement Trudeau pourrait difficilement faire une réforme électorale sans le faire avaliser par référendum auprès des Canadiens, selon l'ex-ministre québécois des Affaires gouvernementales Benoit Pelletier, qui se dit « très favorable » à la tenue d'un référendum sur la réforme électorale.

« Une des raisons principales [d'une réforme électorale], c'est normalement pour la population elle-même, pour que la population ait davantage confiance dans ses institutions démocratiques. Je vois mal dans ce contexte-là comment on peut effectuer une réforme du mode de scrutin digne de ce nom, [...] [une réforme] substantielle, sans qu'on demande à la population son opinion », a dit Benoit Pelletier, qui est professeur en droit constitutionnel à l'Université d'Ottawa, lors de témoignage aujourd'hui devant le comité parlementaire sur la réforme électorale à la Chambre des communes.

Comme ministre au sein du gouvernement Charest, Benoit Pelletier était responsable du dossier de la réforme électorale au Québec. Il a piloté un avant-projet de loi étudié par les députés de l'Assemblée nationale entre 2003 et 2007. Il a confié hier qu'il aurait recommandé au gouvernement Charest de tenir un référendum si les députés québécois s'étaient entendus sur une réforme électorale. « J'étais favorable à la tenue d'un référendum si le processus avait eu à aller plus loin, dit Benoit Pelletier. La question ne s'est jamais posée, la tentative de réformer le mode de scrutin a échoué en 2006, mais il n'en reste pas moins que personnellement, j'avais toujours en tête la possibilité et l'importance de tenir un référendum sur cette question. »

Des cinq partis représentés à la Chambre des communes, seuls le Parti conservateur du Canada et le Bloc québécois exigent que toute réforme du mode de scrutin soit approuvée par référendum. Les libéraux, les néo-démocrates et le Parti vert du Canada estiment pour l'instant qu'un référendum n'est pas nécessaire. 

La ministre fédérale des Institutions démocratiques, Maryam Monsef, n'a pas complètement écarté l'idée d'un référendum, mais ne cache pas son scepticisme. « Je reconnais que le référendum est une façon d'avoir [l'avis] des Canadiens, mais je reste à être convaincue que c'est la meilleure façon. Les référendums ne permettent pas facilement de décider d'enjeux complexes », a dit la ministre Monsef en juin.

C'est aussi l'avis de l'autre expert entendu cet après-midi par le comité parlementaire, le politicologue américain Arend Liphart, professeur émérite à l'Université de la Californie à San Diego et expert des modes de scrutin. Sa suggestion aux députés fédéraux? « S'il vous plait, évitez un référendum », dit-il. Citant l'exemple du Brexit, il estime que les référendums peuvent donner des « résultats volatils » basés sur « beaucoup d'émotions ». « Les gens expriment une insatisfaction. [...] Ils ne savent pas toujours de quoi ils parlent. [...] Le système proportionnel est le système le plus populaire au monde et il a été adopté sans référendum par la plupart des pays », a dit M. Liphart.